Var-Matin (Fréjus / Saint-Raphaël)

L’escalade,

-

Good job ! » De sa voix chaude et rassurante, le major Hervé salue le beau travail de ses troupes. Pour ces soldats blessés, c’est la récompense au bout de l’effort. La consécrati­on après avoir gravi une montagne, dans tous les sens du terme. Car ce jour-là, au menu, c’est escalade. « C’est l’exercice idoine pour ce type de blessure, estime le major Hervé. Cela leur permet de retrouver la confiance qu’ils avaient en eux et dans le regard de l’autre. Retrouver le goût de l’effort, aussi. Ça marque une étape dans le stage. » La veille, les nouveaux arrivants ont décrassé leurs muscles et brisé la glace en randonnée. Le reste de la semaine, ils vont enfourcher des VTT, défier un canyon, dévaler les vallons et tester leur sens de l’orientatio­n. Mais cette fois-ci, leur mission consiste à monter en altitude et en puissance. Face à eux, une paroi haute de vingt mètres, quasiment à 90°. Défi de taille. Surtout dans les têtes. Alors c’est l’adjudant-chef Valerioti - pardon, François - qui enfile casque et harnais pour montrer la voie. « Ces mecs-là, faut les aider. J’ai 28 ans de service en Afghanista­n, au Liban, au Kosovo, au Tchad... Et je me dis que cette maladie, elle aurait pu tomber sur moi. Avec ce stage, ils s’aperçoiven­t qu’ils ne sont pas seuls... » Elles s’appellent « Lolita », « Tango », « La mode », « Bambino », « Tiger foo ». Et « Jour de colère ». Six voies d’escalade, six niveaux de difficulté pour nos neuf stagiaires. Chaque jour, deux d’entre eux sont désignés comme référents pour briefer le reste du groupe. Cet après-midi-là, c’est Pascal le Ch’ti et Cyril le Picard qui s’y collent. Avec coeur. Et une pincée de décontract­ion pour évacuer le stress, l’autre stress. « Hein biloute ? »

« L’humour, pour fédérer »

Avant le briefing général, le major Hervé, expert sport de la Cabat, leur a distillé ses conseils : « Si vous voulez, rajoutez un peu d’humour. Il faut en user pour fédérer, pour préparer le retour au civil. » D’un sourire entendu, Hervé confie : « Le but, c’est qu’ils reprennent la parole devant leurs camarades. Et qu’ils retrouvent de la confiance. » 14 h 20. Les militaires arrivent au pied du mur. Pascal prend son rôle très au sérieux. « Allez, maintenant, silence ! On se concentre sur l’activité. La zone fumeurs là-bas, la zone sacs ici... » Chacun s’exécute. Sans un mot. François présente le matériel. Cordes, harnais, casque « pour les chutes de pierre. Personne s’appelle Pierre ? »Si,ilyenaun.Ilyaaussi Roc. Roc, le Toulonnais désormais domicilié à Marseille. Roc le boxeur, Roc l’ex-rugbyman qui retrouve ici les couleurs rouge et noir du RCT. Il a joué avec les juniors toulonnais « jusqu’à l’âge de 17 ans, avant de partir à l’armée ». Avant d’être rattrapé par le stress post-traumatiqu­e, Pascal, lui aussi, était un sportif accompli : triathlon, parapente, moto sur circuit... « Et pourtant, j’ai le vertige ! » Cette paroi, c’est son baptême. Et pour sa première, le général Bruno Le Ray va lui offrir un surcroît de motivation. Le gouverneur militaire de Paris en personne, l’homme qui ouvre le défilé du 14-Juillet sur les Champs-Elysées, est « venu au contact », rencontrer ses troupes et montrer l’exemple. Pascal aura l’honneur d’être son binôme. « Le général ? Un camarade comme un autre », pour Pascal. Nulle irrévérenc­e dans ses mots. Juste la notion d’égalité face au danger. Oubliés, les grades. Ici, il n’y a de place que pour un grimpeur et un assureur.

Cette maladie, elle aurait pu tomber sur moi ”

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France