Var-Matin (Fréjus / Saint-Raphaël)
Fabrice Splinder Le businessman devenu chamane
Reconversion plus qu’improbable pour ce commercial au CV bien garni : il se consacre désormais au rééquilibrage et à l’harmonisation énergétique des lieux et des personnes
Au visiteur avec qui il se sent en confiance, l’agent immobilier se laisse aller à une petite confidence : « Vous savez, je fais aussi le nettoyage... ». Du genre à passer la serpillière pour arrondir ses fins de mois ? Non, par « l’harmonisation énergétique » des lieux… À tel point qu’à ans, Fabrice Splinder a désormais troqué sa casquette de VRP contre le balai de sorcier. Polo jean bien apprêté, barbe de trois jours taillée de frais et gouaille du cru bien prononcée, il n’a pas la tête de l’emploi. Pas de gri-gri, ni de chichi chez cet énergéticien, rééquilibreur ou magnétiseur, c’est selon… Lui-même ne sait trop comment qualifier ses activités. « Encore un illuminé ? », direzvous. En quelque sorte, puisque « [sa] mission consiste à mettre en lumière les lieux.» Et les personnes. « Pour leur
apporter bien-être. » À la manière du rebouteux, qui « reboote » son client, comme on redémarre un ordinateur, pour en chasser les bugs. Plus qu’une mission, c’est d’un sacerdoce dont il se sent investi. Son but ultime : « faire circuler la lumière, réintroduire les énergies positives dans ce monde désenchanté. Faire passer le message au plus grand nombre… » Et surtout n’avoir pas peur de le dire.
« Cela vient sans doute de mon expérience de commercial. » De businessman en Asie, à chamane à Pourrières, il n’y a qu’un pas. Onze années passées dans l’Empire du milieu ne lui ont pas enseigné une grande spiritualité. Loin des temples taoïstes, plus proche des succursales occidentales et du monde impitoyable des affaires… Vice-président de la CCI de Pékin, fondateur de la Jeune chambre économique de Chine, puis de Hong Kong, son CV n’a alors rien de bien mystique. C’est au détour d’une méditation que s’est éveillée la vocation. « En 2008, ma tante médium m’a affirmé qu’il était venu pour moi le temps de méditer. »Cejour marque la révélation. Il est un « élu », Fabrice Splinder le croit. Sans revendiquer de puissance divine, il se sait investi d’un pouvoir énergétique. Il le doit à sa connexion privilégiée avec l’archange Michel. Le pourfendeur des ténèbres, himself ! Attention, ça se corse. Âmes sensibles, s’abstenir. Fabrice se définit comme une sorte d’intercesseur, apte à canaliser la puissance de l’archange. Mais « Il n’y a rien de religieux là-dedans. C’est une pratique parfaitement vibratoire, qui repose sur des énergies. J’appelle ça le divin, mais Dieu n’y est pour rien! Il pourrait s’appeler Allah ou Bouddha… » Possédé quand il évoque ses rituels, Fabrice sait que la démonstration entraînera l’apparition d’irrépressibles rictus chez le commun des mortels. « Les gens sont plus ou moins sensibles et réceptifs par nature. » Qu’à cela ne tienne. Il ne cherche pas à convaincre. Mais à juger sur pièce. Il n’a connu que « très peu d’échecs », assure-t-il. Sa démarche est empirique. S’il a bien sûr suivi les préceptes de certains chamanes pour « apprendre une partie de la technique », l’expérience s’acquiert avec la pratique. « L’énergie est à portée de tous, car elle est en circulation permanente ». Des disciplines anciennes et formalisées, comme le reiki, utilisent selon lui, un canal plombé par des stages de formation dispensés au plus offrant. Pour prétendre guérir par les énergies, il faut commencer par être en harmonie avec soimême.» Les intéressés apprécieront. Lui reste persuadé de détenir les clefs qui ouvriront le passage vers la lumière… Lorsqu’il joint le geste à la parole, tout commence par une mise en condition du client. En expliquant d’abord les grands principes du « souffle vital », cette régulation naturelle des éléments par les énergies. Corporelles, et ses « sept centres névralgiques ». Extérieures, par la trame magnétique qui lie les hommes entre eux, ainsi qu’à leur environnement. Puis d’incantations en exhortations, de gesticulations en mimiques improbables, l’homme s’abandonne à sa transe les yeux révulsés et l’air grave, comme envoûté… Fabrice ne prétend pas guérir quoi que ce soit. Ses rééquilibrages doivent permettre« d’apporter un calme mental, une paix intérieure et un bien-être en général. »Il certifie toutefois avoir sorti un enfant d’une dyspraxie plus qu’invalidante. Manque de pot pour les sceptiques, la grandmère témoigne que le minot n’est plus le même… Comme toujours, effet placebo ou suggestion ne sont pas bien loin… Sauf quand il assure agir à distance, sans même rencontrer son sujet… Chacun se fera sa petite idée sur la question, d’autant qu’elle soulève logiquement celle du pognon. Les dérives sectaires sont communes en la matière. « Moi je suis tout seul, donc à moins de créer ma secte unipersonnelle (sic !) ». Quant à l’emprise mentale souvent associée à ces démarches, il s’en détache en précisant « qu’(il) ne rencontre qu’une fois (ses) patients ».« Clients! », reprend-il spontanément, bien conscient de n’être d’aucun secours médical. Ses activités, il les facture comme n’importe quelle prestation de service, à un tarif horaire somme toute modéré. « J’ai décidé d’arrêter mon métier d’agent commercial en avril dernier, le jour où j’ai su que je pourrai vivre décemment de mes activités. » Sa plus grande déception est d’ailleurs de constater, parfois, l’absence de service rendu chez certains. « Aucun résultat, ça peut aussi arriver. » Mais comme il ne promet rien, autant de déception en moins… C’est désormais entre Pourrières, Paris et Aix que l’énergéticien trace son chemin. De stages en conférences, de salons ésotériques en séances particulières, son carnet d’adresse comme son emploi du temps sont désormais bien garnis.
‘‘ Rien de religieux là-dedans.”
‘‘ L’énergie est à la portée de tous.”
‘‘ Je ne rencontre mes clients qu’une seule fois.”