Var-Matin (Fréjus / Saint-Raphaël)
Migrants : la poussée de fièvre
18 662 migrants ont déjà été interpellés dans les Alpes-Maritimes en 2016, soit +7,5 % par rapport à 2015. Loin de la jungle de Calais, la situation reste critique cet été à la frontière franco-italienne
ACalais, 7 000 migrants s’entassent désormais dans une jungle insalubre, source de tensions toujours plus vives (lire cidessous). 1 260 kilomètres plus au sud, à la frontière franco-italienne, ce sont d’autres chiffres qui donnent le tournis et la mesure du drame migratoire actuel. Au cours des huit premiers mois de 2016, les forces de l’ordre ont interpellé 18 662 migrants dans les Alpes-Maritimes, selon la préfecture. Soit +7,5 % par rapport à la même période l’an dernier (17 347). D’autres sources confirment l’estimation de l’année en cours, tout en évoquant au contraire une légère décrue. Dans tous les cas, 2016 restera dans les niveaux records de 2015. Et l’été aura été marqué par plusieurs coups de chaud.
Nouveaux pics
Le 5 août, 200 migrants passaient en force la frontière pour rejoindre Menton. Si la quasi-totalité a été rattrapée par la patrouille, la scène a marqué les esprits. A l’instar des vives tensions à Vintimille (lire cidessous). Des épisodes symptomatiques d’une réalité humaine autant que statistique. Premiers concernés : Erythréens, Soudanais et Afghans. En cette fin d’été, quelque 600 migrants seraient interpellés chaque semaine sur la Côte d’Azur. Ils étaient le double il y a une quinzaine de jours. Selon nos informations, un record de 1567 interpellés en une semaine aurait même été enregistré à la mi-août. Plus encore que le pic de la mi-juin 2015 (1549). Si la préfecture situe le record estival en-deçà (1152), la tendance de fond, elle, ne fait aucun doute. Entre dimanche et lundi, 156 interpellés auraient encore transité par les locaux de la police aux frontières. « Malheureusement, le flux migratoire ne diminue pas. On reste sur des chiffres historiquement hauts », observe Laurent Laubry, délégué du syndicat départemental Alliance-police nationale. « A cette mission, se sont ajoutés l’état d’urgence et la gestion de l’Euro de foot, poursuit Laurent Laubry. Résultat : les collègues sont épuisés. Il nous faut 50 fonctionnaires en renfort pour une remise à niveau entre Nice et Menton à la PAF ! » Des services marqués, en outre, par la perte du commissaire Emmanuel Grout, numéro 2 départemental de la police aux frontières et chef de la SPAF Nice, tué le 14Juillet sur la promenade des Anglais.
« Ras-le-bol » policier
« Nos collègues sont débordés par les flux migratoires, confirme Célya Boumedien, secrétaire départementale d’Unité-SGP FO. Et les migrants se montrent de plus en plus agressifs. Ils sont surmotivés, prêts à tout pour passer. Nos collègues disent leur colère, leur ras-le-bol ! » Du côté associatif, on confirme que les migrants « essaient de passer par tous les moyens ». Mais Martine Landry, d’Amnesty International Nice, l’explique par « la politique de hotspots très dure menée par l’Italie pour se plier aux exigences européennes. Et la reconduite de 48 Soudanais à Khartoum, récemment, a semé un vent de panique chez les migrants. » Pour sa part, Martine Landry fustige les propos injurieux que nombre d’entre eux imputent à la police, et salue « un élan de solidarité grandissant chez les citoyens. Cette solidarité prend le pas sur les passeurs. » Les filières restent cependant très actives. Et une priorité pour les enquêteurs. Selon la préfecture, 114 passeurs ont été interpellés à ce jour en 2016 (200 au total l’an dernier) et 6 filières démantelées. « Le nombre est comparable mais les affaires gagnent en qualité, souligne le procureur de la République de Nice, Jean-Michel Prêtre. Certaines affaires représentent plusieurs centaines de passages de frontière ! »
+ % en zone gendarmerie !
Le procureur souligne une nouveauté très nette : « Des filières qui prennent en charge les migrants dès leur arrivée en Italie, pour les conduire à destination. » Des tour opérators de la misère humaine, alors que les migrants tentent toujours plus leur chance par les chemins de traverse. Ou par les vallées. « On observe un report et un phénomène très net sur la vallée de la Roya », confirme le lieutenant-colonel Dominique Blasius, du groupement de gendarmerie des A.-M. Avec 1702 migrants interpellés au 31 août, les chiffres de la gendarmerie ont bondi de... + 695 % ! Les deux tiers ont été interpellés entre Menton et la Roya. Désormais, c’est aussi là-haut que se joue désormais la délicate mission des policiers, gendarmes, douaniers et militaires de l’opération Sentinelle.