Var-Matin (Fréjus / Saint-Raphaël)

Migrants : la poussée de fièvre

18 662 migrants ont déjà été interpellé­s dans les Alpes-Maritimes en 2016, soit +7,5 % par rapport à 2015. Loin de la jungle de Calais, la situation reste critique cet été à la frontière franco-italienne

- CHRISTOPHE CIRONE ccirone@nicematin.fr

ACalais, 7 000 migrants s’entassent désormais dans une jungle insalubre, source de tensions toujours plus vives (lire cidessous). 1 260 kilomètres plus au sud, à la frontière franco-italienne, ce sont d’autres chiffres qui donnent le tournis et la mesure du drame migratoire actuel. Au cours des huit premiers mois de 2016, les forces de l’ordre ont interpellé 18 662 migrants dans les Alpes-Maritimes, selon la préfecture. Soit +7,5 % par rapport à la même période l’an dernier (17 347). D’autres sources confirment l’estimation de l’année en cours, tout en évoquant au contraire une légère décrue. Dans tous les cas, 2016 restera dans les niveaux records de 2015. Et l’été aura été marqué par plusieurs coups de chaud.

Nouveaux pics

Le 5 août, 200 migrants passaient en force la frontière pour rejoindre Menton. Si la quasi-totalité a été rattrapée par la patrouille, la scène a marqué les esprits. A l’instar des vives tensions à Vintimille (lire cidessous). Des épisodes symptomati­ques d’une réalité humaine autant que statistiqu­e. Premiers concernés : Erythréens, Soudanais et Afghans. En cette fin d’été, quelque 600 migrants seraient interpellé­s chaque semaine sur la Côte d’Azur. Ils étaient le double il y a une quinzaine de jours. Selon nos informatio­ns, un record de 1567 interpellé­s en une semaine aurait même été enregistré à la mi-août. Plus encore que le pic de la mi-juin 2015 (1549). Si la préfecture situe le record estival en-deçà (1152), la tendance de fond, elle, ne fait aucun doute. Entre dimanche et lundi, 156 interpellé­s auraient encore transité par les locaux de la police aux frontières. « Malheureus­ement, le flux migratoire ne diminue pas. On reste sur des chiffres historique­ment hauts », observe Laurent Laubry, délégué du syndicat départemen­tal Alliance-police nationale. « A cette mission, se sont ajoutés l’état d’urgence et la gestion de l’Euro de foot, poursuit Laurent Laubry. Résultat : les collègues sont épuisés. Il nous faut 50 fonctionna­ires en renfort pour une remise à niveau entre Nice et Menton à la PAF ! » Des services marqués, en outre, par la perte du commissair­e Emmanuel Grout, numéro 2 départemen­tal de la police aux frontières et chef de la SPAF Nice, tué le 14Juillet sur la promenade des Anglais.

« Ras-le-bol » policier

« Nos collègues sont débordés par les flux migratoire­s, confirme Célya Boumedien, secrétaire départemen­tale d’Unité-SGP FO. Et les migrants se montrent de plus en plus agressifs. Ils sont surmotivés, prêts à tout pour passer. Nos collègues disent leur colère, leur ras-le-bol ! » Du côté associatif, on confirme que les migrants « essaient de passer par tous les moyens ». Mais Martine Landry, d’Amnesty Internatio­nal Nice, l’explique par « la politique de hotspots très dure menée par l’Italie pour se plier aux exigences européenne­s. Et la reconduite de 48 Soudanais à Khartoum, récemment, a semé un vent de panique chez les migrants. » Pour sa part, Martine Landry fustige les propos injurieux que nombre d’entre eux imputent à la police, et salue « un élan de solidarité grandissan­t chez les citoyens. Cette solidarité prend le pas sur les passeurs. » Les filières restent cependant très actives. Et une priorité pour les enquêteurs. Selon la préfecture, 114 passeurs ont été interpellé­s à ce jour en 2016 (200 au total l’an dernier) et 6 filières démantelée­s. « Le nombre est comparable mais les affaires gagnent en qualité, souligne le procureur de la République de Nice, Jean-Michel Prêtre. Certaines affaires représente­nt plusieurs centaines de passages de frontière ! »

+  % en zone gendarmeri­e !

Le procureur souligne une nouveauté très nette : « Des filières qui prennent en charge les migrants dès leur arrivée en Italie, pour les conduire à destinatio­n. » Des tour opérators de la misère humaine, alors que les migrants tentent toujours plus leur chance par les chemins de traverse. Ou par les vallées. « On observe un report et un phénomène très net sur la vallée de la Roya », confirme le lieutenant-colonel Dominique Blasius, du groupement de gendarmeri­e des A.-M. Avec 1702 migrants interpellé­s au 31 août, les chiffres de la gendarmeri­e ont bondi de... + 695 % ! Les deux tiers ont été interpellé­s entre Menton et la Roya. Désormais, c’est aussi là-haut que se joue désormais la délicate mission des policiers, gendarmes, douaniers et militaires de l’opération Sentinelle.

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(Photo Franz Chavaroche) Rattrapés en gare de Menton-Garavan (ci-dessus), les migrants tentent de plus en plus leur chance par la vallée de la Roya.

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