Var-Matin (Fréjus / Saint-Raphaël)

Assises de Nice : un scaphandri­er varois dans le monde du silence

- CHRISTOPHE PERRIN chperrin@nicematin.fr

Il s’approche en claudiquan­t à l’invitation du président de la cour d’assises. Le Toulonnais Clément Cosma, agressé sans raison le 21 décembre 2013 devant un snack de la rue Mascoïnat dans le Vieux-Nice, vit au quotidien avec les séquelles que lui a laissé un coup de couteau en pleine tête. L’ancien scaphandri­er profession­nel glisse son bras droit inerte dans sa poche à l’aide de sa main valide. « J’arrive pas à parler », s’excuse-til en faisant un effort extrême pour articuler. Patrick Véron, le président, ose une question : « Avez-vous un souvenir de l’agression ? » « Je lui ai dit “arrête”. Après j’étais dans les vapes », répond la victime, avec d’extrêmes difficulté­s d’élocution. Lui, c’est Khamzat Souleymano­v, jeune tchétchène éméché qui avait envie de se battre cette nuit de décembre. Avec son copain Shamil Vakhabov, ils sont arrivés titubants devant le snack, ont pris deux canettes de bière qu’ils ont laissé tomber. Vakhabov, en ouvrant sa boisson, a éclaboussé Clément. Celui-ci leur a dit, sans agressivit­é, de faire attention. Souleymano­v, rompu au MMA, un sport de combat extrême, s’est alors déchaîné. En quelques secondes, la vie du jeune Varois, aujourd’hui âgé de 28 ans, a basculé. Dans le box, les accusés ne se souviennen­t de rien ou presque. Ils évoquent un coup de couteau. Il y en a eu au moins trois.

Souffrance extrême

Leur amnésie est bien le seul point commun qu’ils aient avec leur victime. S’ils peuvent continuer le sport en prison, Clément, lui, est condamné à d’interminab­les séances de rééducatio­n. « La première fois que je l’ai vu, Clément Cosma était dans un fauteuil roulant. Il ne pouvait dire le moindre mot en raison d’un trouble du langage », explique le professeur Gérald Quatrehomm­e. Le médecin légiste niçois avait alors estimé « le degré de souffrance endurée du jeune homme à 6 sur une échelle de 7 ». Il était alors handicapé à 80 %, cloué par une hémiplégie. « Il avait une forte conscience des troubles qu’il endurait, se souvient le médecin. Il était désespéré de ne pouvoir s’exprimer. » À force de courage et de volonté, c’est un homme debout qui vient demander justice. Un homme qui craque parfois quand le légiste rappelle la délicate opération chirurgica­le du cerveau qu’il a subie. « Il est encore difficile de se prononcer sur son évolution. Il faut trois à cinq ans pour que la situation soit stabilisée », rappelle le professeur Quatrehomm­e.

Privé de sa passion sous-marine

Jacques Cosma, ancien plongeur de l’armée, éducateur sportif, n’est pas étranger à la vocation de son fils qui, dès 5 ans, plongeait avec son père. « Il a voulu être plongeur profession­nel. Il a vendu sa voiture et sa moto pour se payer la formation », rappelle-t-il à la cour et aux jurés. Ce père attentif n’est pas non plus étranger aux spectacula­ires progrès psychomote­urs de son fils : « On essaie de le sortir de ce contexte, de le motiver. J’ai toujours voulu le booster même parfois contre l’avis des médecins » Tout en sachant que les risques d’épilepsie privent désormais Clément Cosma de sa passion sous-marine. Réquisitoi­re, plaidoirie­s et verdict sont attendus aujourd’hui. Quelle que soit l’issue du procès, les mots de Clément, ex-scaphandri­er condamné depuis trois ans au monde du silence, auront marqué les esprits.

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