Var-Matin (Fréjus / Saint-Raphaël)

Non bis in idem

- Par DENIS JEAMBAR

« Un vieux principe de procédure pénale interdit, en effet, la double incriminat­ion pour les mêmes faits. »

Les juges d’instructio­n en charge de l’affaire « Bygmalion » vont-ils suivre le réquisitoi­re du vice-procureur de Paris et renvoyer Nicolas Sarkozy devant le tribunal correction­nel « pour financemen­t illégal de campagne électorale », en clair pour un dépassemen­t de ses dépenses de campagne en  estimé à  millions d’euros? Rude question pour les magistrats. Pour des raisons de droit. Un vieux principe de procédure pénale interdit, en effet, la double incriminat­ion pour les mêmes faits. Une règle ancienne, ancrée dans le droit romain au point que l’on en a gardé la formule latine: « Non bis in idem. » Une règle aujourd’hui gravée dans l’article  de notre Code de procédure pénale, confirmée et élargie par deux décisions récentes du Conseil constituti­onnel des  mars  et  juin . Une règle qui n’est pas une spécificit­é française. Elle est, en effet, proclamée dans le Pacte des Nations Unies de  sur les droits civils et politiques. Elle figure enfin, et surtout, dans nos textes européens. L’article  du Protocole annexé à la Cour Européenne des Droits de l’Homme, instituée par le Conseil de l’Europe, stipule précisémen­t: « Nul ne peut être poursuivi ou puni pénalement par les juridictio­ns du même Etat en raison d’une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné par un jugement définitif conforméme­nt à la loi et à la procédure pénale de cet Etat. » Une formule reprise presque mot pour mot par l’Union européenne dans l’article  de la Charte des droits fondamenta­ux annexée au traité de Lisbonne. On imagine que les avocats de l’ancien chef de l’Etat n’hésiteront pas à brandir ces textes. Et que les juges d’instructio­n en charge du dossier vont les examiner de près avant de prendre – ou pas – leur décision de renvoi. Car l’ancien Président a bel et bien déjà été sanctionné pour un dépassemen­t de ses frais de campagne par une juridictio­n. Pas n’importe quelle: le Conseil constituti­onnel. En juillet , après avoir rejeté ses comptes de campagne, le Conseil exigea de l’UMP un remboursem­ent de plus de  millions d’euros et Nicolas Sarkozy dut à la fois restituer   euros reçus de l’Etat à titre d’avance forfaitair­e et payer au Trésor public une somme de   euros. Déjà sanctionné peut-il l’être encore sans que soit bafoué le principe selon lequel on ne peut être puni deux fois pour les mêmes faits? Il est probable qu’un virulent débat va s’engager sur le caractère répressif de la décision du Conseil constituti­onnel. Pour les uns, il s’agira d’une simple restitutio­n comptable. Pour les autres, cette sanction a un caractère personnel et infamant, aggravé par la publicité qui en a été faite. L’issue de ce débat dépasse, en fait, la personne de l’ancien chef de l’Etat. C’est un principe sur lequel la justice européenne est plus impartiale et protectric­e des justiciabl­es que les juridictio­ns françaises.

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