Var-Matin (Fréjus / Saint-Raphaël)

Après la guerre

- PHILIPPE DUPUY

VOIR DU PAYS

De Delphine et Muriel Coulin (France). Avec Soko, Ariane Labed, Ginger Romàn. Durée: h. Genre: drame. Notre avis :

L’histoire

Deux jeunes femmes soldat, Aurore (Ariane Labed) et Marine (Soko), reviennent d’Afghanista­n. Avec leur section, elles vont passer trois jours à Chypre, dans un hôtel cinq étoiles, au milieu des touristes en vacances, pour ce que l’armée appelle un «sas de décompress­ion», où on va les aider à «oublier la guerre». Mais on ne se libère pas des traumatism­es causés par les combats si facilement…

Notre avis

Les traumatism­es de la guerre ont souvent été abordés au cinéma, mais rarement du point de vue des femmes et jamais de femmes soldat. Après le très beau 17 filles (l’histoire de lycéennes qui décident de tomber enceintes en même temps), les soeurs Delphine et Muriel Coulin s’y attellent avec Voir du pays. Très réussi, le film met en scène deux copines engagées dans les forces françaises en Afghanista­n qui participen­t à un stage de retour à la vie civile après avoir participé à des combats meurtriers. Le sujet avait déjà inspiré à Delphine Coulin un petit roman paru en 2013, que les deux soeurs ont adapté et mis en scène: «On cherchait un sujet autour des femmes et de la violence, raconte Muriel Coulin. Pourquoi ne pas utiliser la trame du roman?». C’est ce qu’elles ont fait en élaguant dans les parties consacrées à l’adolescenc­e des deux filles et aux scènes de guerre. «On n’avait ni les moyens, ni l’envie de se mesurer à Kubrick ou à Spielberg en faisant un film de guerre, confient-elles. Il a fallu biaiser». Les seules images de guerre du film sont donc les scènes de combat, reconstitu­ées en réalité virtuelle pendant le «stage de décompress­ion», alors que chacun des engagés raconte son expérience de son propre point de vue pour évacuer les traumas. Une excellente idée de cinéma, qui rend encore plus fort le message: «On est trop abreuvés d’images de violence au quotidien pour ne pas prendre de recul par rapport à ça lorsqu’on se lance dans ce genre de projet. Surtout dans la période que l’on connaît, explique Delphine Coulin. Montrer les images qui guérissent plutôt que celles qui traumatise­nt nous a paru plus judicieux». Le film avance ainsi avec intelligen­ce et pudeur, maintenant la tension jusqu’à son terme, porté par une troupe d’acteurs (parmi lesquels plusieurs ex-soldats) particuliè­rement investis A leur tête, Soko et Ariane Labed font des compositio­ns impeccable­s. La première campant «un petit mec» (sic) qui ne veut rien lâcher. La seconde plus encline à retrouver sa féminité. Les deux actrices confient avoir travaillé leur rôle physiqueme­nt très en aval «pour ne pas avoir l’air trop fragiles au milieu de tous ces mecs baraqués». Présenté en sélection officielle à Cannes, dans la section Un certain regard, Voir du Pays est un des très bons films français de la rentrée. On le retrouvera certaineme­nt aux César, avec Le Ciel attendra de Marie-Castille Mention-Schaar, qui raconte le parcours parallèle de deux jeunes filles parties, elles, faire le Jihad.

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