Var-Matin (Fréjus / Saint-Raphaël)
Oeufs de tortue : un plan d’urgence
En raison de conditions météo peu favorables, les scientifiques ont pris hier la décision de placer les oeufs dans un conteneur. Si tout va bien, les bébés tortues pourraient naître d’ici à 8 jours
C’était le 22 juillet dernier. Sous les yeux un peu hallucinés d’une touriste qui fréquentait la plage de Saint-Aygulf, une tortue marine venait déposer ses oeufs au fond d’un trou creusé dans le sable meuble et tiède des Esclamandes. Carole — c’est son prénom — a commenté, dans nos colonnes, ce moment magique où elle a croisé le chemin du sympathique reptile à carapace. Depuis, celui-ci est devenu la mascotte des lieux et sa progéniture, enfouie sous un confortable manteau protecteur, fait l’objet de toutes les attentions.
Soixante-quatorze oeufs
Les prédictions des spécialistes situaient l’éclosion des oeufs dans la première quinzaine de septembre. Sauf que, en cette fin d’été, les bébés tortues semblent traîner... des pattes. Décision a donc été prise de venir à leur secours. De leur offrir en quelque sorte, une chance supplémentaire de briser leur coquille et de voir le jour. « Les conditions météo ne sont pas très favorables, explique Jacques Sacchi, responsable du Réseau des tortues marines de Méditerranée. Dans le Var, l’annonce de pluies et d’une baisse des températures nous préoccupe. Si l’on s’était trouvé en plein mois d’août, on aurait attendu mais là, ça refroidit et on approche des dates limites des possibilités d’émergence. » C’est ainsi qu’hier matin, la biologiste Sidonie Catteau, munie d’instruments destinés à mesurer l’hygrométrie et la température du site, a procédé à l’opération délicate consistant à sonder le lieu de ponte, à récupérer les oeufs (74 en tout plus quelques-uns malheureusement cassés) et à les déposer dans un conteneur en polystyrène servant de chambre d’incubation. « La manoeuvre, en effet, est très pointue, confirme Jacques Sacchi, car il faut repositionner les oeufs exactement comme on les a trouvés. Il y a beaucoup de précautions à prendre. Reste que, comme on est proche de la phase d’émergence, la manipulation craint un peu moins que si l’on était au tout début de l’incubation. » Quel pourcentage de chances, désormais, ont les petites caouannes de vivre leur vie de tortue ? Difficile à estimer, considère Jacques Sacchi. « D’abord, les tortues pondent un peu comme les poules et les oeufs ne sont pas forcément fécondés. Ensuite, les conditions d’environnement sont quand même toujours un peu limites. Il y a aussi le risque de dégradations externes émanant des petits parasites qui vivent dans le sable. On est obligé d’attendre pour en savoir plus. »
« Une expérience formidable »
Combien de temps ? Le coordonnateur du RTMM fixe la dead line à huit jours environ. Et il rappelle : « Il s’agit d’un événement tout à fait exceptionnel. Si l’on n’avait pas saisi la plus infime chance de permettre à de jeunes tortues de voir la vie, on se le serait vraiment reproché à titre personnel. Pour nous, c’est une expérience formidable et je tiens à dire que l’on a apprécié le soutien qui nous a été apporté sur place par la Ville, le Marineland, la presse pour l’information faite au public de la nécessité de préserver les lieux, et la direction régionale de l’environnement qui nous a donné l’autorisation de manipuler. » Toute une chaîne de solidarité en somme, qui s’est mise en oeuvre dans l’unique but de voir le miracle s’accomplir sur une plage de Saint-Aygulf.