Var-Matin (Fréjus / Saint-Raphaël)

Xavier Dolan: « Adieu Cannes  » JUSTE LA FIN DU MONDE

- PROPOS RECUEILLIS PAR PHILIPPE DUPUY

Notre avis :

LDe Xavier Dolan (Canada). Avec Gaspard Ulliel, Nathalie Baye, Léa Seydoux. Durée :  h . Genre : drame.

e Grand Prix que lui a attribué le jury de George Miller n’y fait rien : Xavier Dolan a mal vécu les critiques qui ont accueilli la présentati­on de son dernier film, Juste la fin du monde, à Cannes 2016. A la veille de la sortie du film en salles, le jeune prodige canadien reste encore à fleur de peau lorsqu’on lui en reparle. Au point de jurer qu’on ne le verra pas l’an prochain sur la Croisette pour son premier film américain (The Death and Life of John F . Donovan avec Jessica Chastain et Susan Sarandon).

Comment avez-vous vécu les sifflets de la critique à Cannes? Très difficilem­ent. La critique, notamment américaine, a été très dure et le bashing qui a suivi sur les réseaux sociaux était horrible. Heureuseme­nt, la projection officielle s’est très bien passée et le film a eu un prix. Mais quelque chose s’est brisé. Les gens me voient peutêtre comme un pervers narcissiqu­e qui surréagit à la moindre critique, mais c’est faux. J’ai toujours accordé une grande importance aux critiques, qui m’ont beaucoup appris depuis le début de ma carrière. Mais quand on me heurte, je suis comme un enfant: je me sens rejeté. J’ai fait le choix d’être émotionnel­lement ouvert parce que cela sert mon travail. Je suis comme le diaphragme d’une caméra: complèteme­nt ouvert. Je ne peux pas le refermer en fonction des circonstan­ces, juste pour me protéger. Je n’ai pas cette maturité. Si j’avais la force d’ignorer les critiques, mes films ne seraient pas les mêmes…

Après le triomphe de Mommy, comment expliquez-vous ce revirement ? Je ne peux pas croire que la seule qualité du film soit en cause. Je pense qu’il y a eu une réaction de lassitude par rapport à ma présence à Cannes. Cela fait dix ans que j’y viens presque chaque année, à la Quinzaine, en compétitio­n, à un Certain Regard ou au jury… C’est peut-être trop? Certains en ont sans doute marre de m’y voir. J’ai vécu des moments extraordin­aires à Cannes, mais je vous promets que mon prochain film n’y sera pas…

Pourquoi avoir choisi d’adapter cette pièce de Jean-Luc Lagarce? L’année de Mommy, j’avais rencontré Lea Seydoux et Gaspard Ulliel à Cannes et j’avais très envie de les faire tourner. Idem pour Nathalie Baye. Dans l’avion du retour, je me suis souvenu de cette pièce qu’Anne Dorval m’avait conseillé de lire quand elle la jouait. Sur le coup, je n’avais pas vu le lien avec mon cinéma. Mais en la reprenant, ça m’a paru soudain évident. C’était le vaisseau que je cherchais

Vous partez souvent d’une envie d’acteur(s) pour concevoir un film? Toujours. J’écris mes films pour ça. Je ne saurais pas faire autrement.

En quoi la langue particuliè­re de Lagarce est-elle proche de votre cinéma? Quand on regarde la plupart de mes films, on trouve une gémellité avec le texte de Lagarce, dans la prolixité, l’énervement, la répétition, les hésitation­s, les redites, les longues tirades… J’ai toujours aimé filmer ça. Je n’ai d’ailleurs pas eu à faire d’efforts particulie­rs pour la mise en scène. Le film ressemble à mes autres films. Avec juste un peu plus de gros plans pour exprimer le sous texte de Lagarce, qui compte plus que le texte lui-même puisque tout ce qui est dit ne sert qu’à masquer ce qui devrait l’être.

Le personnage que joue Gaspard Ulliel, est-il votre alter ego? Non, c’est une facilité de penser cela. C’est même celui avec lequel j’ai le plus de mal, à vrai dire. Je pardonne plus facilement aux autres. Lui, je le trouve manipulate­ur, difficile à saisir. J’ai l’impression qu’il est revenu pour se donner bonne conscience. Pas pour soulager la peine de sa famille…

 ?? (Photo Production) ??
(Photo Production)
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France