Var-Matin (Fréjus / Saint-Raphaël)

Danièle Thompson : « Une ivresse de filmer »

- PROPOS RECUEILLIS PAR PHILIPPE DUPUY PH. D

« C’est passionnan­t, mais si tu nous refaisais plutôt une petite comédie? » (rires). Il se trouve que la dernière n’a pas marché du tout. La critique l’a démolie et les gens n’ont pas eu envie d’aller la voir. Au lieu de sombrer dans la dépression qui me guettait, je me suis aussitôt mise au travail sur ce projet et ça m’a beaucoup aidé à passer le cap. Comme je ne savais quasiment rien sur les deux protagonis­tes, j’ai lu tout ce que je pouvais lire et j’ai été visiter tous les musées où se trouvaient des toiles de Cézanne. J’ai revu le Van Gogh de Pialat, celui de Minelli, Un Dimanche à la campagne de Tavernier, Renoir, Le déjeuner sur l’herbe… J’avais l’impression d’être à nouveau étudiante, c’était génial!

Pourtant vous montrez très peu de peinture et presque pas Zola au travail… Dès qu’on rentre dans une histoire comme celle-là, plus on en apprend, plus on a envie d’en savoir. Mais il ne faut pas se noyer dans la recherche. A un moment, il faut arrêter de se documenter et se mettre à écrire. Mon sujet, ce n’était pas leur art ou leur carrière, mais leur amitié confrontée au succès de l’un et à l’infortune de l’autre. Et puis, Cézanne pouvait passer des heures à regarder un paysage avant de commencer à le peindre. Filmer ça, aurait pris un temps fou ! (rires) Déjà qu’il a fallu couper beaucoup de scènes… J’ai été prise d’une véritable ivresse de filmer dans la nature aixoise. Tout part de là!

Pourquoi Cézanne et moi et pas Zola et moi? J’ai eu un mal fou à trouver un titre qui ne fasse pas trop documentai­re. Celui-là me semble induire une certaine intimité, qui est le sujet central du film. Et il me paraissait logique que l’histoire soit plutôt racontée du point de vue de l’écrivain. Je n’avais d’affinités particuliè­res avec l’un ni l’autre, mais je pouvais certaineme­nt me sentir plus proche de celui qui écrit. L’angoisse de la page blanche, je connais…

L’amitié confrontée à la célébrité, c’est quelque chose que vous avez connu aussi? Oui, sans doute. Moins que ces deux-là qui sont quand même des monuments, mais forcément un peu. Pendant le tournage, je pensais beaucoup à une amie d’enfance que j’avais perdue de vue quand je suis partie vivre aux États-Unis. A mon retour, j’avais cherché à la revoir, mais elle était fuyante. Je n’ai pas compris pourquoi sur le coup. En faisant le film, je me suis promis de la recontacte­r. Hélas, à la fin du tournage j’ai reçu un petit mot d’une amie commune qui m’annonçait son décès accidentel…

enfance. Artiste maudit, Cézanne, reproche à Zola de l’avoir dépeint sous un jour peu favorable dans son nouveau roman (L’OEuvre) Danièle Thompson filme l’amitié, puis la rivalité entre les deux hommes avec une passion contagieus­e : ses deux comédiens semblent totalement habités par leur rôle. Ajoutez-y une luxueuse reconstitu­tion d’époque et la sublime lumière des côteaux d’Aix et vous obtenez un beau film estampillé « Qualité France ».

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(Photo Philippe Arnassan)

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