Var-Matin (Fréjus / Saint-Raphaël)

Jamais oublier

- Par MICHÈLE COTTA

Six plaques commémorat­ives portant leurs seuls noms, dévoilées devant les lieux où tant d’hommes, de femmes jeunes ou moins jeunes ont trouvé la mort l’année dernière, du Grand Stade au Bataclan, en passant par les cafés et restaurant­s du e arrondisse­ment de Paris mitraillés. Chaque fois, le même cérémonial : noms des victimes lentement égrenés, dépôt de gerbes suivis d’une minute de silence. Pas la moindre parole politique, François Hollande et la maire de Paris Anne Hidalgo immobiles et muets, pas la moindre tentative de « récupérati­on ». Les seules phrases qui ont rompu le silence ont été celles d’un jeune homme, Michael Diaz, qui a perdu son père au Stade de France. Plus tard, à la mairie du e, ou sur le canal Saint-Martin, à quelques mètres des lieux de ces massacres, les Parisiens eux-mêmes, habitants du quartier ou venus d’ailleurs, ont organisé leur propre hommage auquel ballons bleu blanc rouge, bougies et lanternes ont donné au fil de la soirée vie et couleurs. A chaque fois la même émotion. Car, hier comme samedi soir, c’étaient les victimes, leurs parents, les survivants du drame du Novembre qui étaient à la première place. Et tous ceux qui ne les ont pas oubliés.

Beaucoup d’entre eux avaient participé la veille au concert bouleversa­nt donné par Sting, dans un Bataclan tout juste rénové pour l’occasion, où aucune note de musique n’avait résonné depuis la tuerie. « D’abord se souvenir, honorer ceux qui ont perdu la vie dans l’attaque. Ensuite célébrer la vie et la musique » : en deux phrases, prononcé dans un français parfait, le grand chanteur britanniqu­e a résumé le sens de ces commémorat­ions sobres et dignes. Se souvenir, et en même temps, continuer de vivre, tout le défi, après Paris et Nice, est là. Faire, se conduire, agir, se distraire aussi, comme avant, sans oublier les morts, sans permettre aux meurtriers de réaliser leur voeu : terroriser, paralyser la France. La peur existe, certes, et rien, en France, pour de longues années sans doute, ne sera plus comme avant. Mais les Français ont su, ont pu, aller au-delà. Sans doute est-ce le fils du premier mort du  novembre, Manuel Diaz, tué par l’explosion d’une ceinture d’explosifs, qui a trouvé, pour célébrer son père, portugais, arrivé en France à  ans, les termes les plus émouvants et les plus vrais. Emouvants, parce qu’exprimant la douleur d’un orphelin du terrorisme. Vrais, par la volonté exprimée de surmonter l’absence d’un père assassiné, en refusant stigmatisa­tion et division. « Vive la tolérance, vive l’intelligen­ce, vive la France. » Comment oublier les derniers mots de cet homme encore jeune, marqué à jamais, qui refuse le ressentime­nt, la haine, les idéologies, et oppose aux terroriste­s sa volonté sa volonté de les combattre avec l’intelligen­ce et l’humanité qu’ils n’ont pas.

« Se souvenir, et en même temps, continuer de vivre, tout le défi, après Paris et Nice, est là. »

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