Var-Matin (Fréjus / Saint-Raphaël)

Wilmary Villa, graiîne d’avenir

Après avoir quitté Medellín à 22 ans, la Colombienn­e a posé ses valises à Tourves. Avec son binôme Laurent Riera, elle travaille la terre selon les règles de la biodynamie. Avec la nature, jamais contre

- JADE MATHIEU jmathieu@nicemati.fr

C’est d’abord son large sourire qu’on voit arriver. Et ses bras qu’elle agite pour faire signe, « J’arrive ! ». Depuis le haut de ses deux hectares, Wilmary traverse ses rangées de courges et de poivrons, « ce sont les derniers de la saison… Attention de ne pas marcher dessus, vous risqueriez d’asphyxier la terre ». « Vous êtes au courant que lorsqu’on marche sur la terre, on l’écrase et donc on lui enlève de l’oxygène ? C’est pour cela que sur les chemins, l’herbe ne pousse pas .» Ici dans La ferme de Wilmary c’est comme ça. L’Homme s’adapte à la nature. Jamais l’inverse. « Pour que les gens comprennen­t tout de suite ma philosophi­e, j’ai installé ce panneau à l’entrée. » Peint à la main en vert et jaune sur une planche de bois vieilli : «Protéger votre corps parce que c’est la base de votre existence et le commenceme­nt de votre mission ». Sa mission ? Contribuer au bien-être de la Terre « et donc de l’humanité ». Comment ? En trouvant une adéquation avec la nature. « Ça commence à l’intérieur de soi. Ce que tu manges nourrit ton corps et ton âme. Le bonheur doit commencer à l’intérieur de toi pour pouvoir le transmettr­e ensuite aux autres. Et après tu irradies d’amour! Tu comprends ? Viens, je te fais visiter. »

« Philosophi­e de l’âme»

En pratique, son bonheur Wilmary le cultive chaque jour dès 5 heures du matin «jusqu’au coucher du soleil ». Avec son associé Laurent Riera, ingénieur agronome, la brune de Medellín compose avec la terre depuis deux ans. « Vous ne verrez plus grand chose là, c’est la fin de la saison. » Ici, le sol est au repos durant l’automne. Pour se recharger en nutriments « et en force ». Aux antipodes de l’agricultur­e intensive, et même convention­nelle, La ferme de Wilmary – estampillé­e bio évidemment – fait plutôt dans la qualité que dans la quantité. « On n’a rien inventé, on s’inspire de nos ancêtres qui avaient une bien meilleure nourriture qu’aujourd’hui ». Pas vraiment attiré par l’argent non plus, « je pense arriver à gagner un smic à partir de l’année prochaine », ici on mange ce que l’on plante. On se nourrit de l’essentiel. « C’est une philosophi­e de l’âme. Depuis le premier jour de cette aventure, je me lève avec le sourire, je vis enfin mon rêve. Ici j’ai trouvé mon petit paradis. » Même quand il a fallu passer les trois premiers mois sous la tente avant que la caravane ne soit installée, l’agricultri­ce avait la banane. Et déjà quelques kilos de fraises dans ses allées.

De l’Équateur à Tourves

Le déclic, cette ancienne mannequin l’a eu à 22 ans, lorsqu’elle a quitté sa Colombie natale pour les Quechuas d’Équateur. En stop, avec son sac à dos et son « envie de découvrir le monde ». C’est là-bas qu’elle apprend les bases d’une agricultur­e respectueu­se et autosuffis­ante. « Ce n’est pas une utopie vous savez, c’est bien réalisable. » Trois ans de savoir-faire qu’elle emporte dans son baluchon avant de rejoindre l’Europe. L’Espagne, l’Autriche puis enfin la France, Aix-enProvence. « Je ne parlais pas un mot de français, j’ai appris sur place en vendant des bijoux indiens que je faisais moimême ». À force de petits boulots, l’Aixoise d’adoption s’achète un mobilhome qu’elle plante en bord de Durance, «le rêve!». Mais toujours ce besoin « vital » d’être connectée à la nature. C’est en allant acheter une voiture, qu’elle tombe sur Laurent, expert en agrologie et biodynamie. Au passage, bilingue en espagnol et passionné d’Amérique de Sud. Naturellem­ent les deux se trouvent et se lancent ensemble dans un rêve commun. « Je rêvais de cultiver mon propre bout de terre un jour, c’était le bon moment », glisse l’ancien employé en agroalimen­taire. Ajouté au palmarès du binôme : un diplôme en exploitati­on agricole. Celui que Wilmary obtient avant de trouver le terrain. « Nous tenions à être tous les deux formés et diplômés. C’est important pour avoir de la crédibilit­é ». Régulièrem­ent pointés du doigt par le milieu de l’agricultur­e convention­nelle, et « souvent vus comme des hippies », les deux adeptes d’agrologie, de biodynamie ou encore de permacultu­re défendent becs et ongles leur terre nourrie d’amour et d’eau fraîche. « C’est vrai que dans notre milieu, il y a beaucoup de mecs qui planent. Ils nous font un peu passer pour des rêveurs et pourtant vous voyez… Ça fonctionne. Sans engrais, sans pesticide, sans aucun produit chimique on arrive à faire pousser nos légumes et à les vendre. Ça confirme que nous sommes dans le vrai…!»

« Une conversion inévitable »

« Pourquoi je fais ça ? Parce que je sais que c’est la meilleure chose que je pourrais faire pour le monde dans lequel je vis. Ici à Tourves ou chez moi à Medellín, peu importe… Mon petit paradis je peux me le créer partout… » Son havre de paix, l’agricultri­ce est plutôt du genre à le partager. Et même à un maximum de monde. Ses projets pour les prochains mois : « des stages avec les enfants. Pour les sensibilis­er à l’environnem­ent, leur transmettr­e mon savoir et les intéresser à une façon différente de coexister avec la nature pour mieux la préserver.» Les mains dans la terre, « mais pas plus que 30 cm, après ce n’est plus fertile», et les yeux tournés vers le ciel « les étoiles et la lune jouent un rôle essentiel sur les plantation­s », Wilmary assure «qu’une conversion des mentalités est inévitable ». Alors, pour les génération­s futures et celles d’aujourd’hui, ici ou de l’autre côté de la mer des Caraïbes, le duo tourvain poursuit tous les jours son labeur : enterrer les clichés et planter leurs graines. Celles pour l’avenir.

Ici, j’ai trouvé mon petit paradis. ” Notre agricultur­e est inspirée de celle de nos ancêtres.” Nous sommes souvent vus commes des hippies.”

La production de La ferme de Wilmary est disponible dans neuf points de vente et en vente directe. Plus de renseignem­ents sur lafermedew­ilmary.jimdo.com

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(Photo Luc Boutria)

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