Var-Matin (Fréjus / Saint-Raphaël)
Valls et Peillon dévoilent leurs programmes
Une République plus forte mais aussi une société plus juste : c’est le sens du projet, de continuité plus que de rupture, présenté hier à Paris par l’ancien Premier ministre
« U ne République forte, une France juste. » C’est un projet à son image, carré, sans fioritures, campé sur deux piliers vertueux, qu’a présenté hier Manuel Valls à la Maison de la chimie, à deux pas de son ancien bastion de Matignon. Un projet de continuité plus que de rupture, il l’assume. « Il faut prolonger, consolider, amplifier », estime-t-il. L’ancien Premier ministre s’est, de fait, évertué à trouver un subtil équilibre programmatique. Soucieux de se poser tout à la fois en garant de ce qui a marché durant le quinquennat, en héraut d’une gauche moderne et pragmatique. Et, plus encore peut-être, tel un tract anti-Fillon, en gardien scrupuleux de notre modèle social. D’aucuns ont perçu là une franche gauchisation de celui qui fut en son temps le poil à gratter du PS, notant que Manuel Valls ne parle surtout plus de réformer les 35 heures, comme il l’avait évoqué quelques années en arrière. Lui se revendique comme le champion d’une «gauche républicaine, laïque et innovante ». Moderne, en somme.
Service civil obligatoire
Républicain dans l’âme, Manuel Valls entend donc d’abord porter une France forte, souveraine, mais toujours ancrée au coeur d’une Europe qu’il ne remet pas en cause. Il veut juste la ressouder, tout en l’épurant. Il propose pour cela une conférence de refondation pour redonner du consensus au projet européen et recentrer l’Europe sur ses missions premières, notamment de maîtrise de ses frontières extérieures, en supprimant en revanche les charges inutiles qu’elle fait peser sur l’économie. La République forte que Valls appelle de ses voeux passe, dans l’Hexagone, par « la création d’un minimum de mille emplois de policiers et gendarmes chaque année », un renforcement des moyens accordés aux forces armées et à la justice. Il veut, par ailleurs, adosser à la Constitution une Charte de la laïcité et mettre en oeuvre un service civil obligatoire, « mais souple dans les formes diverses qu’il prendra », d’une durée de six mois. L’ancien maire d’Evry entend également fortifier notre enseignement. En mettant le paquet sur la langue française, en revalorisant financièrement les professeurs, en laissant plus de place aux initiatives pédagogiques, ou encore en accentuant la logique du compte personnel d’activité pour une formation tout au long de la vie. L’ex-Premier ministre aspire enfin à toiletter nos institutions : outre la loi sur le non-cumul qui deviendra effective en juin, il entend à cet effet limiter les mandats dans le temps (à trois maximum) et réduire le nombre de parlementaires… Plus original et surprenant, il suggère que les projets de loi fassent l’objet d’un temps de consultation auprès du public avant leur transmission au Parlement. On est à des annéeslumière de l’article 49-3…
Un « revenu décent »
Au plan économique, Manuel Valls est habité par un credo : « Une société du travail, qui reconnaisse les efforts de chacun à sa juste valeur. » Pour y aboutir, il veut d’abord que l’État accompagne les projets liés au numérique et à la transition énergétique. Et s’il parle de continuer à baisser les prélèvements obligatoires, de conforter par une fiscalité stable et incitative « une industrie française où le coût du travail est désormais inférieur à celui de l’Allemagne », ou de faciliter l’accès au crédit pour ceux qui entreprennent, il aspire surtout à redonner du pouvoir d’achat. Y compris en reprenant à son compte le principe des heures supplémentaires défiscalisées, chères à Sarkozy. Son projet comprend également une revalorisation de 10 % des petites retraites et l’instauration, non pas d’un revenu universel, mais d’un «revenu décent », sur la base d’une fusion des minimas sociaux, qui serait dans un premier temps destiné aux 18-25 ans. « Je veux, résume-t-il, redonner des moyens pour que chacun puisse mettre la main sur sa vie. »
Accès aux soins renforcé
Très symboliquement, il propose enfin d’améliorer l’accès aux soins « en remboursant à 100 %, sans ticket modérateur, un certain nombre de soins de ville » et en mettant fin aux dépassements d’honoraires en secteur II conventionné. Il préconise, en outre, d’augmenter le nombre de médecins en supprimant le numerus clausus. On l’aura compris, dans un premier jet de propositions volontiers consensuelles et encore assez succinctes, Manuel Valls a d’abord cherché, hier, à se poser comme l’anti-Fillon. Le garant sourcilleux d’un modèle social qu’il veut préserver et même étoffer. Une façon aussi de montrer qu’il est bel et bien de gauche, davantage à l’évidence qu’en 2011, face à des concurrents qui jubilaient jusqu’ici de le présenter en candidat fétiche du Figaro et de la droite.