Var-Matin (Fréjus / Saint-Raphaël)
Les «bulles» du collège bientôt rasées?
Saint-Raphaël Alors que les nouveaux bâtiments sont inaugurés aujourd’hui, l’avenir en pointillé de l’espace construit en 1981 inquiète les anciens élèves. Une pétition est lancée
Les collégiens de l’Estérel seront-ils encore autorisés à « buller » à l’avenir ? Rien n’est moins sûr. Le 13 mars, après dixhuit mois de travaux, les élèves ont posé leurs cahiers dans des bâtiments flambant neufs. Tout l’établissement a été reconstruit. Tout ? Non. À la manière d’un petit roc capricieux, les symboliques « bulles » construites au début des années quatre-vingt résistent encore et toujours. « Pas pour longtemps», glissait pourtant le proviseur Marc Tournevot, proviseur du collège de l’Estérel, lors de la rentrée de mars. Une phrase étonnante, lorsqu’on sait que la rénovation des bulles faisait partie du projet de refonte de l’établissement scolaire. Dans un communiqué publié par la mairie de Saint-Raphaël du 1er avril 2016, encore visible sur le site de la Ville, on pouvait lire mot : « L’espace “bulles” d’Antti Lovag, architecte du Palais Bulles de Pierre Cardin, sera restauré.»
« C’est du passé »
« À titre personnel, je ne m’engage pas, précise aujourd’hui Marc Touvenot. Ça m’importe peu qu’elles disparaissent ou non. Toutefois, et c’est un fait, le béton est en train de s’effriter, ce qui rend les lieux dangereux pour les élèves.» Selon lui, l’insalubrité des lieux remet à question sa rénovation – effectivement envisagé au départ. Il était prévu d’y installer des lustres, avec une refonte des systèmes électriques, d’accessibilité et de chauffage. Mais il a fallu y renoncer, en raison de la qualité trop dégradée du béton. La société Cologen, en charge des travaux, a engagé des études pour éprouver la solidité de la bâtisse. « Dans l’attente de ces résultats [...], le Département a fermé ce bâtiment le temps d’en [savoir davantage sur les travaux nécessaires pour conforter la structure] », précise
Françoise Dumont, conseillère départementale.
« S’il y a des travaux, ce sera une reconstruction en profondeur des bulles et no une simple réhabilitation », précise le proviseur. La question du coût se pose alors, ainsi que
celle de «l’enracinement dans les projets pédagogiques actuels. Je conçois que ces bulles sont une partie de l’histoire du collège, mais c’est du passé. S’il s’agissait d’une oeuvre artistique, ce serait vite réglé. Toutefois, ce n’est qu’un projet pédagogique: il est loin d’être de la stature du Palais Bulles de Théoulesur-Mer.»
« Si les gens sont prêts à organiser des collectes »
De près, les dégâts sautent aux yeux. Certaines ligatures en métal sont visibles entre deux fissures, une situation que le temps ne devrait pas améliorer. Cependant, l’annonce d’une potentielle destruction des bulles a fait réagir de nombreuses personnes. Julien Doumène – élève au collège de 2009 à 2013 –, « scandalisé », a lancé une pétition en ligne sur la plateforme change.org : « Sauvons les Bulles d’Antti Lovag ». En à peine plus d’une semaine, quelque 1 600 signataires se sont prononcés contre la suppression de la bâtisse. L’ancien collégien établit une comparaison avec les piscines Tournesol : quelques-unes furent conservées au titre du patrimoine national (Bonneveine à Marseille, Carros-le-Neuf et Biscarrosse, N.D.L.R.). Françoise Dumont « entend [...] la valeur patrimoniale ou architecturale qui peut être soulignée, mais nous sommes face à des diagnostics factuels et techniques qui aujourd’hui doivent être étudiés, avec, en tête la sécurité des utilisateurs.», souligne l’élue raphaëloise. Marc Tournevot va dans le même sens : « J’ai rencontré beaucoup d’anciens élèves qui ont construit eux-mêmes ces fameuses bulles. Pour une large majorité, ils ne sont pas au courant de l’état de délabrement du bâtiment actuel. » Toutefois, le proviseur pondère : « si les gens sont prêts à organiser des collectes de fonds, nous irons évidemment dans ce sens ». Le maire de Saint-Raphaël, Frédéric Masquelier, n’a pas souhaité faire de commentaires. En , Jean-Philippe Breil, professeur d’arts plastiques du collège de l’Estérel, contacte Antti Lovag – grand architecte hongrois – pour donner vie à ce qui pourrait être le projet pédagogique le plus ambitieux de France. Sur le papier, l’idée séduit : fabriquer avec les élèves et les professeurs une bâtisse bulle « Made in Lovag » au milieu de la cour. L’entreprise durera une dizaine d’années, pour une inauguration courant . Les travaux sont engagés avec un budget minime. Le projet n’est pas conçu comme un élément de décoration: son objectif est d’abord pédagogiques. « Nous souhaitions y organiser des expositions et divers événements, explique Philippe Mabboux, ancien professeur de musique. Mais ça n’a pas été le cas : les bulles ont été délaissées. » Malgré quelques activités comme l’exposition « Verre objet sonore » en mai . Des pièces de théâtre et des concerts ont également été organisés, de façon très occassionnelle. Pour Philippe Mabboux, le personnel de l’établissement ne s’est pas assez investi. Ce qui aurait conduit à négliger l’entretien des lieux.