Var-Matin (Fréjus / Saint-Raphaël)

«Chacun doit rester libre de son interpréta­tion»

Troisième pièce d’Estelle Savasta, sera joué demain au Palais des congrès. En toile de fond : la difficulté d’accepter la différence, quelle qu’elle soit...

- PROPOS RECUEILLIS PAR CARINE BEKKACHE cbekkache@nicematin.fr

DQuelle est la genèse de cette nouvelle création ? En , à la demande de la Scène Nationale de Dieppe, je me suis installée pendant un an dans une école de l’agglomérat­ion dieppoise, proposant aux élèves de devenir les collaborat­eurs artistique­s de ma prochaine création. À l’époque, je savais que je voulais faire un spectacle pour les enfants, sans savoir encore ce dont je voulais vraiment parler. Un soir, après une semaine de réflexion avec les écoliers, j’ouvre mon carnet de notes et je m’aperçois que j’y ai écrit quatre fois : relire La Petite casserole d’Anatole, un album jeunesse d’Isabelle Carrier, qui pose cette question: que fait-on de nos casseroles ? Dans les classes, ce qui m’intéressai­t c’était ça et rien d’autre : savoir de quelle manière les élèves portaient, ou ne portaient pas, leurs casseroles. J’ai donc travaillé avec eux sur cet album et c’est ainsi qu’est né Le Préambule des étourdis.

Quelle(s) réalité(s) se cachent derrière le terme « casserole » ? Ce qui est beau dans cet album, c’est que ce n’est jamais noté, jamais nommé. Dans ma pièce, je retrace l’histoire d’un garçon – Anatole – qui a une casserole XIXe siècle, dont le célèbre Hermès bicéphale. accrochée à son pied, dont il ne peut se défaire. À l’intérieur, chacun peut y mettre ce qu’il veut… Certains y voient un handicap, d’autres de l’autisme ou encore de la timidité, de la colère. À la fin du spectacle, les enfants nous posent souvent cette question et on la leur retourne.

L’histoire d’Anatole ? Ce garçon a une casserole qui l’empêche d’être comme les autres, et même d’entrer en contact avec eux. Ces autres, dans l’histoire que j’ai écrite, se trouvent derrière une paroi floue. Ils observent Anatole, mais ne voient que sa casserole. Pas le garçon qu’il est. Pour écrire ce texte, j’ai beaucoup échangé avec un pédopsychi­atre sur les difficulté­s de la différence, en particulie­r à l’école primaire. Nous avons aussi évoqué le harcèlemen­t, dont Anatole est victime… jusqu’à ce que Miette, une petite fille du groupe, décide de s’intéresser à lui, pour de bon…

Comment parvenez-vous à faire ressentir les émotions sur scène ? Le texte est en voix off et Bastien Authié, le comédien qui interprète Anatole, n’est que dans le corps, le mouvement. Nous avons beaucoup réfléchi sur la façon dont l’histoire traverse le corps et le corps traverse l’histoire. Dans La Petite casserole d’Anatole, une phrase a retenu notre attention : « Anatole a un grand sens artistique. » Du coup, nous avons fait d’Anatole un artiste. Il sculpte et c’est par la chapelle des Dominicain­es, la chapelle Saint-Françoisde-Paule. création qu’il trouve un moyen d’échapper aux autres.

N’est-ce pas difficile de mettre des mots sur les maux ? J’ai créé la compagnie « Hippolyte a mal au coeur » et ce n’est pas pour rien. Je crois vraiment que c’est à cause du mal de coeur que l’on fait du théâtre. Mais je trouve aussi que ce n’est pas une raison pour le dire de manière grave. En tout cas, j’essaye de comprendre ces maux-là.

Pourquoi ce titre, Le Préambule des étourdis ? Simplement parce qu’en faisant le préambule de cette pièce, j’avais aussi dans la tête un spectacle pour adultes, que finalement je n’ai pas fait mais que je comptais appeler Les Étourdis ! [rires]

Portez-vous un message particulie­r ? Dire qu’il y a un message dans une pièce, c’est en réduire l’envergure. Je n’écris pas en me disant qu’il faut absolument que je dise telle ou telle chose, ni pour délivrer un message. J’écris pour explorer quelque chose. Ensuite chacun doit rester libre de son interpréta­tion.

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(Photo Bronwen Sharp/Bush Theatre)
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(Photo A.G./DR)

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