Var-Matin (Fréjus / Saint-Raphaël)

À l’école du coeur

Tous les lundis, épaulée par des bénévoles de l’associatio­n Epafa, Gilda Ardimanni enseigne le français à des parents pour lesquels la barrière de la langue n’est pas encore tout à fait levée

- CARINE BEKKACHE cbekkache@nicematin.fr

L’important est d’avoir de la volonté ”

Neuf heures viennent de sonner. Gilda Ardimanni entre dans la salle exiguë, au fond du centre de documentat­ion et d’informatio­n du collège AndréLéota­rd. « C’est ici que les cours se déroulent », souffle-t-elle, avant d’adresser un salut chaleureux aux parents, qui le lui rendent avec le sourire. « Comment allez-vous aujourd’hui ?,

s’enquiert le professeur. Avez-vous pu travailler à la maison les exercices que je vous ai donnés ? » Myriam sourit, puis hausse les épaules : « Oui, mais j’ai oublié mes notes… » « Attends, je mets les miennes au milieu », lui propose spontanéme­nt Yamina, assise à ses côtés. Gilda annonce alors le début du cours et laisse la parole à AnneMarie Hervouet et Geneviève Drouzy, bénévoles au sein de l’associatio­n pour l’éducation, la promotion et l’accueil des familles (Epafa) venues, comme chaque lundi depuis dix ans, discuter autour de la culture française. Autour de la table, Saïda, Aïcha, Yamina, Myriam, Zohra, Fatima, Youcef et Fernanda leur prêtent une oreille attentive, tout en prenant soigneusem­ent des notes. De temps à autre, entre deux réponses, Gilda rebondit sur un point de grammaire ou une règle d’orthograph­e. « Pour ces parents, l’école représente une chance, qu’ils n’ont pas eue étant plus jeunes, soupire-telle. Mais aujourd’hui, ils ont le courage de la saisir et tous ont réalisé des progrès fulgurants. » Sourire aux lèvres, Youcef, natif d’Algérie, le reconnaît: «Ce n’est pas toujours facile, mais l’important est d’avoir de la volonté. Je voulais apprendre toujours plus, et ne pas rester sur mes acquis. Je me suis inscrit ici il y a près de trois ans… Depuis, je me sens plus à l’aise à l’oral et à l’écrit. Je n’ai plus de difficulté à remplir des documents administra­tifs. » Un beau parcours, que Fernanda entend bien reproduire à son tour… Originaire de São Paulo, installée à Saint-Raphaël depuis cinq mois, la jeune femme ressent déjà une nette évolution. « Lorsque je suis arrivée, malgré deux mois de cours de français au Brésil, je n’en parlais presque pas un mot. Aujourd’hui je me débrouille de mieux en mieux. Je peux échanger avec d’autres personnes et poser des questions quand je ne comprends pas, sans aucune gêne. » Là est la plus belle récompense de Gilda Ardimanni, bénévole, professeur de français à la retraite et philanthro­pe avant tout… « Tout comme le sont leurs enfants, à qui ils transmette­nt bien souvent leur enthousias­me, je suis fière de

ces parents courageux. Mon plus beau souvenir ? »

Les yeux de Gilda pétillent. « En fait, j’en ai plusieurs. Notamment celui de cette jeune femme qui, au final, est parvenue à décrocher son diplôme d’études en langue française et à trouver du travail. Elle nous rend parfois visite, pour le plaisir d’être avec nous. Je me souviens également de cette maman qui, au bout d’un an, pouvait aller chez le médecin toute seule et n’avait plus peur de se rendre aux réunions de parents d’élèves, sans craindre la barrière de la langue. En partant, elle nous a remerciées et nous a dit : maintenant, je suis libre. Toutes ces personnes font preuve de solidarité, d’ouverture d’esprit et nous apportent beaucoup en retour. » Preuve qu’Antoine de Saint Exupéry disait vrai : « Si tu diffères de moi, mon frère, loin de me léser, tu m’enrichis ! »

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