Var-Matin (Fréjus / Saint-Raphaël)
Cette prof a du ciel bleu dans son passeport
Directrice d’école, Emmanuel Cocusse a connu différents univers qui ont forgé sa vision de l’éducation
Je suis passée de l’amphi de la Sorbonne à la maternelle de Tourrettes ”
Enseigner aux tout-petits, aux jeunes adultes, aux Français, aux Costaricains, aux Américains… Transmettre un savoir, peu importent les barrières : c’est le credo de l’actuelle directrice de l’école Monge Roustan, à Saint-Raphaël. Emmanuel Cocusse, qui enseigne également en CP, a réussi dans sa vie à concilier formation de la jeunesse et voyages… qui la forment, justement ! Comment en est-elle arrivée là ? Née à Juvisy (Essonne) de parents médecins, elle a vite développé le goût pour les études, passionnée par les langues étrangères et donc, inévitablement, par les voyages. « J’ai étudié khâgne au lycée Fénelon de Paris avant d’intégrer l’École normale supérieure en tant que germaniste, détaille-t-elle. Et chaque été j’apprenais les langues dans tous les pays d’Europe que je visitais. » Et tout cela à vélo, s’il vous plaît! Mais c’est la sociologie qui aura sa préférence : elle debvient professeur de sociologie et d’anthropologie à La Sorbonne. Et ceci pendant quatre ans. Jusqu’à ce que son mari, qui travaille dans le sport de haut niveau, trouve une opportunité de carrière à Saint-Raphaël. « On est alors en 2001, à la naissance de mon deuxième enfant. Je me pose alors la question sur mon devenir professionnel. Que faire ? » L’hésitation sera éphémère : Emmanuel Cocusse songe rapidement à passer (et réussir) le concours d’instituteur. «Un peu par
hasard », admet-elle au début. Mais cette voie va devenir une révélation.
«Je suis passée du grand amphi de la Sorbonne à la petite section de maternelle de Tourrettes, fait-elle remarquer avec sourire, sans malice. J’ai ensuite enseigné à Saint-Raphaël (Camail, les Plaines, Jean-Moulin…) » Des leçons à deux “publics” forcément bien différents… « Chez les jeunes adultes on n’est rien, juste une heure dans une journée, on ne va pas changer leur vision du monde. Juste susciter une curiosité intellectuelle. En revanche, chez les tout jeunes, je pouvais agir sur le rapport à l’école, l’envie d’apprendre, c’est déterminant pour la suite. À cet âge-là tout leur plaît, si c’est bien présenté ! Je sentais que ça allait me plaire», se souvient-elle. Sa vie raphaëloise lui plaît alors fort bien… sauf que l’appel du voyage est plus fort. Celle qui a toujours aimé faire du vélo sur tous les continents envisage, avec son mari, une nouvelle aventure. « Mais avec les enfants, l’expédition serait compliquée… Alors on s’est dit, allons travailler à l’étranger ! » Histoire aussi « de faire connaître une nouvelle culture aux enfants » qui ont, à cette époque, entre 3 et 8 ans. C’est en 2010. La petite famille s’envole pour le Costa Rica, et le lycée français de la capitale, San Jose. «J’ai fait là-bas fonction de directrice de la section maternelle de ce lycée bilingue. Le contrait était de trois ans, on y a passé des moments formidables… » À l’issue de cette expérience enrichissante, la famille reprend le chemin… dans un vieux
camion de pompiers, pendant un an, depuis le Panama, à travers tous les pays d’Amérique centrale et du Nord jusqu’au Canada.
« On s’est amusé à atteindre quelques sommets de chaque pays ! Puis, au cours de notre périple, un jour, mon mari tombe sur un article du
Time magazine concernant le “cerveau bilingue”, relatant d’expériences de classes publiques bilingues dans l’Utah. » Il n’en fallait pas plus pour qu’Emmanuelle Cocusse prenne la décision de candidater ! Elle obtient un poste d’institutrice en immersion bilingue anglais français. «Je partageais deux classes avec une Américaine. À la mi-journée, on se les échangeait, faisant la moitié du programme dans notre langue. Des gens venaient du monde entier pour voir cette expérience de bilinguisme précoce. J’ai ensuite été formatrice. » Les vieilles idées sont battues en brèche : tout montre désormais qu’une langue supplémentaire pour un jeune enfant est un gros avantage, ne nuisant pas à son développement comme on pouvait le penser par le passé. « Mes enfants parlent couramment français, anglais et espagnol. Sans accent », sourit celle qui, après trois ans aux États-Unis, est rentrée à Saint-Raphaël l’année dernière. À la fois directrice et institutrice pour une classe de CP, elle n’a pas vraiment le temps de repenser aux voyages, même si elle est heureuse d’être de retour. « Je dois être touche-à-tout, ce n’est pas simple ! Heureusement que la Ville me sauve en me laissant Mme Vezzaro, qui assure de nombreuses tâches. »Allons, dans cet emploi du temps de ministre, il y a bien encore la place pour quelques autres rêves d’ailleurs ?