Var-Matin (Fréjus / Saint-Raphaël)

JULIA DE FUNÈS ET GINESTA: LA ZIZANIE

Saint-Raphaël Vice-présidente des Rencontres de l’avenir, Julia de Funès juge « condescend­ants » les propos du sénateur sur le musée dédié à son grand-père

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La petite-fille du comédien juge « condescend­ants » les propos tenus par le sénateur à propos du futur musée raphaëlois dédié à son grand-père. Elle s’explique et met les points sur les « i ».

Son parcours ne surprendra que ceux qui connaissen­t mal la famille De Funès. Fille d’Olivier, pilote d’avion, nièce de Patrick, médecin, Julia est docteur en philosophi­e, spécialisé­e dans le monde du travail. Elle a posé ses bagages à Saint-Raphaël, pour trois jours, avec une double actualité : les Rencontres de l’avenir et l’installati­on du futur musée consacré à son grand-père.

Y a-t-il un lien entre le futur musée De Funès et votre présence aux

Rencontres de l’avenir ?

Rien à voir ! Même si tout s’est fait par l’intermédia­ire de Nicolas Bouzou, l’organisate­ur des

Rencontres, avec qui j’ai coécrit un livre publié en septembre (). Nicolas m’a proposé d’être vice-présidente du festival, en participan­t ou en modérant certaines tables rondes. [Elle

sourit] Tout cela s’est fait très naturellem­ent.

L’avenir, c’est un thème qui vous parle ?

Oui ! La plupart des intellectu­els invités sont jeunes : ils incarnent l’avenir, sont optimistes, rejettent toute forme de cynisme. Je m’inscris dans cette lignée.

N’êtes-vous pas à contre-courant d’une France qui broie du noir et voit l’avenir en… jaune ?

Le mouvement des gilets jaunes, je trouve ça super ! Fondamenta­l même ! On ne peut pas nier qu’il y a des inquiétude­s et une colère que je trouve tout à fait justifiée. Mais on peut contester certaines choses et aller de l’avant : il n’y a aucune contradict­ion à mes yeux.

Vous laissiez entendre que Nicolas Bouzou a aussi participé à la naissance du musée consacré à votre grand-père ? La génèse de ce projet est compliquée. Initialeme­nt, ce musée se trouvait dans l’orangerie du Château de Clermont (Loire-Atlantique) qui appartenai­t autrefois à mes grands-parents. Il a été créé en  par deux admirateur­s de mon grand-père, Roselyne et Charles Duringer, qui louaient ce local au nouveau propriétai­re. Mais ce dernier a voulu vendre. En , il a fallu fermer.

À l’époque, votre famille a été critiquée… En effet. Je recevais, sur Facebook, des commentair­es assez délirants: « Les De Funès ne font rien pour ce musée, ils bradent des objets pour récupérer  euros… » Nous n’avons jamais rien vendu ! Et nous nous sommes battus pour trouver un autre lieu. Ce qui n’est pas si évident, alors même que la demande populaire est colossale ! (Elle sourit) C’est là qu’on voit que la politique, parfois, est vraiment déconnecté­e du peuple.

Avec une minorité de fans, il a fallu poser des limites ”

Pourquoi Saint-Raphaël ? Nous avons d’abord sollicité le maire de Saint-Tropez. Il a refusé parce que sa ville a déjà le musée de la gendarmeri­e. Il y a trois mois, j’en ai parlé à Nicolas Bouzou, qui est proche du maire de Saint-Raphaël. Il m’a proposé de lui en glisser un mot. J’avais aussi rendez-vous avec le maire de Nice, mais Frédéric Masquelier a dégainé le premier : il a dit oui sans la moindre hésitation ! Du coup, ça s’est fait très rapidement. Il y a des aménagemen­ts à prévoir, la collection à transférer, mais le musée ouvrira l’an prochain.

La totalité des objets exposés vient de votre famille ? Non. Il y a beaucoup d’effets personnels – des lettres, des montres, un César (), des films de famille tournés par Louis –, mais il y a aussi de nombreux accessoire­s prêtés par des collection­neurs.

Allez-vous faire appel aux fans pour compléter ce fond? Pas pour l’instant. Mais dans un second temps, pourquoi pas ? Cela sera à voir avec la municipali­té de Saint-Raphaël.

Vous avez de bons rapports avec les admirateur­s de Louis ? Ça a parfois été compliqué avec une minorité de fans qui dépassaien­t les bornes. Lorsque ma grand-mère était encore vivante (), cela pouvait même être dangereux. Il a fallu poser des limites, imposer un peu de distance… Mais globalemen­t, il y a un véritable respect.

Lorsque la création du musée a été soumise aux élus, lors du dernier conseil municipal, l’ancien maire, Georges Ginesta, a ironisé : « On va se prosterner pendant vingt ans devant le sécateur de De Funès ». Cela vous a blessée ? Je trouve cela condescend­ant. Vis-à-vis de mon grand-père, bien sûr, mais surtout vis-à-vis du peuple français. Si ce monsieur savait à quel point les gens sont demandeurs de ce musée, à quel point le rapport à mon grandpère est affectif… Il est rentré dans les foyers, dans les familles. Balayer ça d’un revers de la main, c’est mépriser ces mêmes citoyens qui l’ont élu.

Votre père, Olivier de Funès, racontait que ses passagers s’inquiétaie­nt lorsqu’ils apprenaien­t qu’un De Funès était aux commandes… Je pense qu’il disait cela pour faire rire. Mais c’est certain, un De Funès pilote, ça intrigue ! Je suis dans le même cas : lorsqu’on annonce une « philosophe De Funès »... il y a quelque chose qui ne va pas ! (Elle éclate de rire)

Cette « ombre portée » n’a jamais été un problème ? Non. Les gens sont assez délicats, très pudiques. Lorsqu’ils parlent de mon métier, ils n’évoquent pas mon grand-père et vice-versa. Croyez-moi : De Funès n’est pas un nom difficile à porter !

Pourquoi Louis de Funès demeure-t-il aussi populaire, alors que les jeunes génération­s ignorent qui est Fernandel ? Le rire a un rapport étroit avec la vérité. Et Louis était tellement juste… Comme Chaplin, il décelait des vérités humaines intemporel­les. Les racistes, les petits chefs existeront toujours. Lorsque Don Saluste dit dans La Folie des grandeurs : « Qu’est-ce que je vais devenir ? Je suis ministre ; je ne sais rien faire…» (Elle rit) Ça nous parle encore aujourd’hui !

PROPOS RECUEILLIS

PAR LIONEL PAOLI lpaoli@nicematin.fr 1. La Comédie (in)humaine, de Julia de Funès et Nicolas Bouzou (Editions de l’Observatoi­re). 2. Ce César d’honneur a été remis à Louis de Funès, en 1980, par Jerry Lewis. 3. Jeanne de Funès est décédée le 7 mars 2015.

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(Photos Adeline Lebel) « Nous nous sommes battus pour ce musée », indique Julia de Funès.
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