Var-Matin (Fréjus / Saint-Raphaël)
M.-S. Roger: “Mes personnages pourraient être des gilets jaunes”
L’auteure à succès est venue présenter son dernier ouvrage à la librairie Papiers collés
CJe trouve que Gisèle Casadesus est totalement raccord dans le rôle de Margueritte. Par contre, je n’aurai pas choisi Gérard Depardieu dans celui de Germain, le personnage de mon livre est plus jeune que lui. Depardieu est tout de même très touchant. Il a sans doute mis beaucoup de lui dans ce rôle en pensant à son propre père qui comme Germain, était analphabète. Les personnages de vos romans sont généralement peu ordinaires, comment les qualifieriez-vous ? Ils sont décalés, attachants. Dans les Bracassées, Fleur et Harmonie ont toutes les deux un handicap assez lourd à porter. L’une est obèse et agoraphobe, l’autre souffre du syndrome de Gilles de la Tourette et tient tout le temps des propos orduriers. A travers elles, je voulais montrer qu’on est tous un peu handicapés. On a tous nos fragilités, nos failles qu’on ne montre pas aux autres. Mais quand on change le regard que l’on porte sur soi ou sur les autres, ça change la vie.
Est-ce que Fleur et Harmonie pourraient faire partie des gilets jaunes ? On pourrait effectivement les rencontrer sur les ronds-points. Comme les gilets jaunes elles ne font pas partie des nantis et se trouvent un peu perdues et pas entendues dans la société. Tout en se sentant mal regardées.
Que pensez-vous justement de ce mouvement de protestation ? Il est populaire et si l’on peut regretter les débordements, ça fait réfléchir. En tout cas ce mouvement ne va pas passer comme ça car les gens se sentent écartés du pouvoir. Ce n’est pas Mai toutefois... J’espère seulement que ce mouvement des Gilets jaunes ne sera pas récupéré, ni encarté. Et restera celui des gens tout simplement.
Dans vos livres vous traitez toujours de sujets graves, le handicap, la solitude des personnes âgées, l’hôpital... Mais toujours avec humour, c’est votre marque de fabrique ? Je ne fais pas des livres rigolos mais on peut en rire, même si les sujets abordés sont graves. C’est pour moi un moyen de provoquer l’empathie du lecteur pour mes personnages mais sans pour autant se moquer d’eux. Du coup ils sont plus faciles à approcher. Et puis je pense que le rire est une émotion importante. Aujourd’hui on l’évacue trop souvent de la littérature. On dit même que ce n’est pas de la littérature quand on fait rire. Pourtant Molière ou Rabelais savaient le faire dans leurs oeuvres...
Où allez-vous chercher tous vos bras cassés ? Je ne vais pas les chercher, ce sont eux qui viennent à moi et je les écoute comme si c’étaient de vrais personnages. Cela surprend les gens quand je dis ça mais ce n’est pas une posture d’auteur.