Var-Matin (Fréjus / Saint-Raphaël)

A Fréjus, soutenus par les employés

- JOCELYNE JORIS jjoris@nicematin.fr

« On a vu quelque chose d’extraordin­aire. La majorité des gens nous soutient déjà habituelle­ment et là, ce sont carrément les employés qui nous ont sauvés. On n’a jamais vu une solidarité comme ça », s’exclament les gilets jaunes, rassemblés devant le 92 de la rue de l’Estérel, à Fréjus. Hier matin, la tension était palpable devant le centre des finances publiques. En bloquant les entrées du service des impôts, les manifestan­ts ont voulu tenter une nouvelle action d’importance. Mais ils se sont heurtés aux policiers du commissari­at intercommu­nal qui ont cherché à négocier sans violence… puis à rétablir l’ordre. « Leurs consignes étaient de nous déloger par tous les moyens car nous empêchions d’entrer les salariés et le public, raconte l’un des manifestan­ts. Les policiers s’étaient équipés des gaz lacrymogèn­es. Ils voulaient qu’on laisse passer les fonctionna­ires, au moins par groupe toutes les quinze minutes. Ils étaient prêts à nous envoyer leur gaz si on refusait. Mais quand les salariés venus travailler ont vu ça, une dizaine d’employées, toutes des femmes, nous ont protégés ! Elles se sont mises au milieu de nous pour empêcher les policiers de nous gazer. On les a applaudies. Ça fait du bien de se sentir soutenus. Les gens voient bien qu’on n’est pas là pour casser, ni faire de la politique ». Les gilets jaunes ont alors ouvert les portes aux employés, mais ils ont cimenté le portail d’entrée et ont tenu bon toute la journée.

« Certains parlent de se suicider »

Actifs, retraités, artisans, commerçant­s, employés au Smic, peu de jeunes, beaucoup de femmes, des pères et des mères de famille qui se remplacent en cours de journée : tous se sont relayés devant cette institutio­n, symbole de leurs maux. « On continue notre mobilisati­on, rejoint par des nouveaux, car nous n’avons plus rien à perdre. On fera Noël dehors mais on ne quittera pas la rue. Pourquoi rentrer chez nous ? Il n’y a rien dans nos placards. Macron ne se rend pas compte qu’il a en face de lui des gens qui n’ont vraiment plus de quoi vivre. Plusieurs d’entre nous parlent de se suicider, d’autres de faire la grève de la faim. De toute façon, quitte à ne pas manger, autant crever devant tout le monde si ça fait plaisir au gouverneme­nt ! Qu’est-ce qu’il lui faut à Macron : voir les gens se pendre au milieu du rondpoint ? », interroge Sandra.

Et d’autres de renchérir : « On est plus motivé que jamais. Que ceux qui nous gouvernent arrêtent de se gaver»; «Qu’est-ce qu’ils font avec tout notre argent ? Il faut arrêter de faire un Élysée en or massif » ; « Ils sont loin de nos problèmes tous ces capricieux. Ils font les beaux mais qu’ils viennent à notre place, vivre avec 900 euros par mois » ; « Nous, on essaie de s’en sortir sans voler, sans magouiller et on se prive de manger pour payer nos impôts alors qu’eux mettent leur argent en Suisse ou détournent des millions » ; « Ce n’est pas un problème d’écologie, mais d’équité, c’est tout un modèle de société qui est remis en cause » ; « On commence à entendre des pacifistes qui veulent en découdre ».

Pour Gérard, retraité : «J’ai commencé à 16 ans et j’ai travaillé 47 ans pour avoir 1 400 euros de retraite. Je suis dans une tranche où je dois payer pour tout, la mutuelle, les taxes, et le loyer, le gaz… sans aucune aide. Au total, il ne reste rien à la fin du mois ».

Et cette aide-soignante: «La Révolution a commencé par l’augmentati­on du pain. Tout ce qu’ils font, c’est nous mettre la haine ». Au final, un gros sentiment d’écoeuremen­t qui traîne de longue date, amplifié par un avenir noir pour leurs enfants.

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