Var-Matin (Fréjus / Saint-Raphaël)
Saisie et forte amende : lourd réquisitoire à Draguignan
Jeudi soir, Jacques Merker, propriétaire de plusieurs immeubles dans le centre ancien, comparaissait devant le tribunal correctionnel. Marchand de sommeil ou pas ? Réponse le 7 décembre
Soumission d’une personne vulnérable à des conditions d’hébergement indigne. Voilà le principal grief retenu par le ministère public pour requérir une lourde peine à l’encontre de Jacques Merker. Ce propriétaire d’un nombre d’appartements assez conséquent dans le centre ancien (plus de 70) a comparu jeudi soir, au terme d’une longue audience correctionnelle. Et l’affaire en question n’était pas de nature à donner de répit à la présidente Marie-Laure Arnouil et à ses assesseurs. Le 7 décembre, date à laquelle le délibéré a été renvoyé, les magistrats devront se prononcer sur un cas pour lequel le procureur de la République, Manuel Munoz, n’est pas allé avec le dos de la cuillère: il a requis plus de 300 000 euros d’amende et la confiscation d’un immeuble rue de Trans…
« Les locataires vivent comme des sauvages »
« Les gens ne vous reprochent rien. Au contraire, on dit que vous êtes gentils parce que vous êtes peu regardant sur les garanties des candidats. On vous voit comme un bienfaiteur. Ce que vous dites vousmême. » Surprenant constat dressé par la présidente, au moment d’aborder le débat auquel s’est volontiers soumis Jacques Merker. Le bienfaiteur. Et il est vrai qu’entre sa silhouette bonhomme, son regard doux de « papy gâteau », son allure tout en rondeur, il y a de quoi baisser sa garde. Mais à la première occasion, Jacques Merker est vite rattrapé par ses démons. Dont il semble – sincèrement ? – ignorer la nocivité. Il est question d’un locataire qui est resté dans le logement alors que le bail a pris fin. «Il s’est incrusté, comme ça arrive avec ces populations. » Plus loin, invité à analyser les branchements électriques sauvages qu’effectuent parfois ses locataires, M. Merker répond: «Ils vivent comme des sauvages. Leur façon de vivre n’est pas comme la nôtre. On n’est pas là avec la fine fleur de l’aristocratie. » À juste titre, le tribunal lui demande : «Méritent-ils donc les logements que vous proposez ? » Le prévenu nie : «J’écarte cette affirmation. Il y a des minima, quelle que soit la personne qui se présente.
» C’est bien là le problème : «les minima ». Car les conditions d’habitation décentes ne semblent pas franchement respectées dans les appartements que loue M. Merker. Ruissellement à la moindre ondée, moisissures sur les murs, champignons ou salpêtre proliférant sur les parois, chambres minuscules parfois sans fenêtre… Les constatations produites par les services de police, puis par l’Agence régionale de santé (ARS), dans plusieurs appartements, peuvent légitimement provoquer une grimace chez l’auditeur. Pour autant, et ce fut subtilement souligné à plusieurs reprises par la défense, il n’y a, dans l’enquête judiciaire, que quatre immeubles (pour 6 logements) concernés par les poursuites : deux rue de Trans, un allée Azémard, et un rue des Chaudronniers. «Sur 75 appartements», rappelle l’un des trois avocats. « Et où sont les plaignants ? », demande maître Michel, se tournant théâtralement vers une salle vide (il est alors plus de 22 heures…).
« Il n’y a pas d’arrêté d’insalubrité »
Autre argument avancé par la défense, celui de la compétence du tribunal correctionnel à juger du caractère insalubre des logements. « Ce jugement doit faire suite à un arrêté d’insalubrité, émis par la préfecture. Ce n’est pas le cas ici. » Le dossier du ministère public est
également critiqué pour son imprécision. D’une part en mettant en cause une société civile immobilière du nom d’Azuréva au lieu d’Azuréa; d’autre part en s’indignant d’un procès-verbal dressé par l’officier de police judiciaire qui « multiplie les appréciations de
valeur » (de type « vieux roublard » pour décrire le prévenu…). Bref, la condamnation est loin d’être acquise pour M. Merker. Ce serait oublier un peu vite le réquisitoire offensif de Manuel Munoz, portant sur les habitations évidemment, mais aussi sur le travail dissimulé du « bras droit » de Merker, homme à tout faire à qui était versé un billet de 50 euros toutes les semaines, ou encore sur la mise en danger des ouvriers travaillant sans matériel de protection approprié sur la toiture d’un des immeubles. Et de conclure : « L’absence de péril signifie-t-il l’absence d’insalubrité ? C’est vous qui jugerez. » Que retiendront les juges ? Réponse le 7 décembre.