Var-Matin (Fréjus / Saint-Raphaël)

Les deux France

- DENIS CARREAUX Directeur des rédactions du groupe Nice-Matin edito@nicematin.fr

-. À défaut de convaincre les « gilets jaunes », Emmanuel Macron aura au moins réussi, lundi soir, à diviser le pays. Alors que l’opinion était majoritair­ement favorable au mouvement depuis trois semaines,  et  % des Français souhaitent désormais qu’il prenne fin selon deux sondages effectués après l’allocution présidenti­elle (). Le Président, qui a réalisé pour cette interventi­on de la dernière chance des audiences télé dignes de la finale du Mondial de foot, a incontesta­blement convaincu une partie de la majorité silencieus­e. Celle qui juge les mesures du chef de l’État significat­ives, s’inquiète des conséquenc­es du mouvement sur l’économie comme sur l’image de la France. Aspire aussi à passer des fêtes tranquille­s, loin des violences et des scènes de guérilla urbaine. Annoncé trop tard, encore trop peu lisible à l’image de cette vraie-fausse augmentati­on du Smic, excluant enfin tout retour de l’ISF, le plan d’urgence d’Emmanuel Macron n’a en revanche pas généré le moindre effet positif sur les ronds-points occupés. « Mesurettes », « pipi de chat » : les réactions sont identiques de Dunkerque à Menton. Faute de démission, de dissolutio­n ou de référendum, on ne lèvera pas le camp, quitte à passer Noël et le jour de l’an au beau milieu de ces giratoires transformé­s en mini-ZAD. Dans ces camps retranchés où se sont constitués au fil des jours de vraies petites communauté­s galvanisée­s, la radicalisa­tion est parfois en marche. On commence par excuser la violence, puis on la tolère. On carbure à la solidarité, à la bière, à l’amitié-Facebook et aux fake news, on pourfend les élus et on secoue les journalist­es. On rêve surtout d’un acte V en se disant qu’au fond, ce sont davantage les voitures brûlées et les pavés qui ont fait plier Macron, ce qui, entre nous, n’est pas tout à fait faux... Pendant ce temps, tapis dans l’ombre de ce mouvement au départ spontané, quelques politiques aussi opportunis­tes qu’irresponsa­bles soufflent sur les braises, prenant le risque d’amplifier un incendie qui met déjà en péril des entreprise­s et effrite, au fil des jours, l’unité nationale. Car si le pays ne s’apaise pas rapidement, on assistera, impuissant­s et interdits, à l’affronteme­nt entre deux France, celle des « gilets jaunes » et l’autre. Celle de la révolution contre celle de la raison.

« Le Président a incontesta­blement convaincu une partie de la majorité silencieus­e. »

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