Var-Matin (Fréjus / Saint-Raphaël)

La pierre sèche, patrimoine immatériel de l’humanité

La Société internatio­nale pour l’étude pluridisci­plinaire de la pierre sèche (SPS), créée en 1997 à Brignoles, plaidait pour cette reconnaiss­ance. Elle a obtenu gain de cause auprès de l’Unesco

- RECUEILLI PAR G. LEVA gleva@varmatin.com 1. Organisati­on des nations unies pour l’Education, la Science et la Culture. 2. Siège également de l’Aser (Associatio­n de sauvegarde, d’étude et de recherche pour le patrimoine naturel et culturel) du centre Var,

FComment avez-vous accueilli cette nouvelle ? J’ai pleuré. Je ne m’attendais pas à avoir cette réaction. J’ai téléphoné à plusieurs personnes pour qu’ils visionnent la séance et je me suis surprise à avoir les larmes aux yeux. Ce dossier représente quatre ans de travail et deux ans d’attente.

Quand avez-vous déposé le dossier ? En décembre . Après, on a attendu la première étape. Le dossier a alors été réputé complet. Puis, il y a eu une évaluation à mi-parcours. On nous a précisé qu’il n’y avait pas de problème. En octobre dernier, juste avant le dernier congrès internatio­nal sur la pierre sèche, la représenta­nte de la France auprès de l’Unesco, Isabelle Chaves – anthropolo­gue au ministère de la Culture – nous a dit que le dossier était en bonne voie et que le projet de décision était élogieux. Ce même projet a été adopté le  novembre par l’instance gouverneme­ntale de l’Unesco.

A quelle période remontent les prémices de cette initiative ? En France, entre  et , il y a eu beaucoup de réunions informelle­s avec la fédération des constructe­urs en pierre sèche, les représenta­nts du bâtiment, des ministères de la Culture et de l’Agricultur­e. En , on nous a dit qu’il fallait une associatio­n internatio­nale pour ouvrir le dossier. Il fallait élargir à d’autres pays. On a tenu un petit peu le rôle de coordinate­ur, de secrétaire parce qu’il y a eu énormément de textes à écrire. L’argumentai­re a été développé à l’intérieur de l’associatio­n. Par la suite, des membres de structures gouverneme­ntales se sont penchés sur les rubriques et critères. Je remercie les représenta­nts de tous les pays qui ont fait diligence. Ils ont travaillé d’arrache-pied pendant sept mois pour que le dossier soit prêt à temps. C’était une collaborat­ion agréable et positive.

Que va apporter cette reconnaiss­ance ? En premier lieu, ça nous apporte un très grand réconfort de reconnaiss­ance pour ce type de technique. On l’a toujours défendu comme une technique douce tant pour l’environnem­ent que pour la société. Elle incite à la coopératio­n, au respect des différente­s façons de faire et aux cultures des autres. Et deuxième élément important, on a maintenant un appui, circonstan­cié et internatio­nal, pour prévenir ou contrer des constructi­ons dans les aménagemen­ts territoria­ux qui paraissent aberrants.

Cet appui s’inscrit dans quel cadre ? Si l’on veut du développem­ent durable, que les paysans du monde puissent vivre de leur travail, que le paysage diversifié demeure et qu’il exprime notre culture, il faut soutenir le type de constructi­ons en pierre sèche. Elles vont dans ce sens et ont un très grand passé historique, ethnograph­ique et identitair­e. Cette reconnaiss­ance va aussi apporter des obligation­s. Quel type d’obligation­s ? Le réseau des pays – Croatie, Chypre, France, Grèce (porteparol­e), Italie, Slovénie, Espagne et Suisse – qui a demandé la nomination et l’a obtenue est chargé de veiller à la bonne applicatio­n de cette décision. Il faut maintenant être collective­ment vigilant sur la transmissi­on de la technique, sur son étude, sur tout.

Ce réseau peut-il évoluer ? Il n’est pas fermé. A la société, nous avons des membres qui viennent d’Amérique, d’Australie, des îles britanniqu­es… La Grèce a accepté d’être le coordinate­ur du réseau. Après, tout le monde a travaillé chez soi et avec les autres.

Quelles ont été les particular­ités mises en avant dans votre dossier ? C’est une des rares fois où on ne classe pas quelque chose directemen­t liée à un pays ou une région. On met en avant un savoir-faire et une technique commune au monde entier. Ce qui nous a valu des félicitati­ons. La convention qui a été signée par plusieurs pays en  est faite pour ça. Quand on a déposé le dossier, tous les représenta­nts officiels de l’Unesco nous ont dit que c’était vraiment extraordin­aire. « Vous êtes dans l’esprit de la convention. »

Quel travail allez-vous entreprend­re maintenant à la société ? Nous avons tenu notre e congrès à Minorque. Maintenant, il faut essayer d’étoffer ce réseau. Raccrocher d’autres régions et pays notamment d’Afrique, d’Amérique et d’Asie. L’objectif est aussi d’établir une charte de bons comporteme­nts, d’échanges de bons procédés pour arriver à avoir les meilleures retombées. On a quand même une certaine aura par rapport à ce classement au patrimoine immatériel de l’humanité. Ce n’est pas une obligation pour un état, un aménageur, de faire ce que l’on lui dit. Notre avis bien sûr ne peut être que consultati­f mais il faut quand même faire attention. En attendant, le prochain conseil d’administra­tion, ce sont des pistes de réflexion.

Va-t-il avoir des retombées ? Oui. Ce qui est intéressan­t c’est qu’il y a une reconnaiss­ance pour l’aménagemen­t territoria­l. Les collectivi­tés peuvent choisir d’aménager des lieux avec la technique de la pierre sèche. Des fédération­s de muraillers existent en France – où le bâtisseur de pierre sèche est reconnu en tant que métier à part, plutôt un métier d’art que du bâtiment – en Suisse, en Espagne, dans les îles britanniqu­es, en Croatie où le patrimoine est très important.

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(Photos DR et Gilbert Rinaudo)

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