Var-Matin (Fréjus / Saint-Raphaël)
À la croisée des chemins
La moindre mobilisation des « gilets jaunes » samedi n’est sans doute pas, contrairement à ce que certains, soulagés, auraient envie de croire, la fin de leur mouvement. Il est plus juste de dire que celui-ci est à la croisée des chemins. Ou bien il choisit de se radicaliser, se réduisant à un noyau dur de militants décidés à en découdre pour obtenir davantage d’un gouvernement, d’un Président surtout, sur lequel s’est cristallisée toute leur haine. Un mouvement qui entrerait en résistance, en somme, comme le disent, au hasard des rondspoints encore occupés, nombre d’hommes et de femmes annonçant qu’ils ont l’intention de continuer leur combat. Comment ? En employant d’autres méthodes, sur lesquelles ils restent silencieux, que celle de la mise à sac des Champs-Elysées, ou le blocage des autoroutes. Pour ceuxlà, il est clair, carrefours dégagés par les forces de l’ordre ou pas, que les réponses données la semaine dernière par Emmanuel Macron sont à mille années lumière de ce qu’ils espèrent. Ou bien, au contraire, le mouvement choisit de s’organiser. Les « gilets jaunes » devront le faire, s’ils acceptent de participer au grand débat national que leur propose le chef de l’Etat. S’organiser ? On l’a vu, les choses ne sont pas faciles. Tel ou tel qui s’est auto-proclamé porte-parole, dans les semaines précédentes, n’a pas le moins du monde été dès le lendemain reconnu par les siens. Tomber d’accord pour désigner quelques-uns d’entre eux, dans toutes les régions, capables de porter la voix, si multiple et parfois contradictoire, des « gilets jaunes », c’est une première étape, nécessaire, mais pas si simple que cela. Après avoir franchi l’étape de l’organisation, il leur faudra aussi choisir les thèmes essentiels de leurs luttes. Pouvoir d’achat ? Sûrement. Justice fiscale et sociale ? Sans doute. Mais aller plus loin ? Demander un référendum d’initiative citoyenne, dont il faudrait définir les modalités, réclamer des élections à la représentation proportionnelle, envisager même une autre République, la sixième du nom ? Cela risquerait bien de se transformer en un gigantesque débat fourre-tout, dans lequel tout le monde oublierait bien vite les causes immédiates du réel malaise social exprimé par les « gilets jaunes » pour retrouver des revendications de nature plus politiques, qui sont depuis longtemps celles de la France insoumise et du Rassemblement national.