Var-Matin (Fréjus / Saint-Raphaël)
‘‘Encore des capacités d’action sur l’échiquier international’’
« La France dans le monde » : qui mieux que le géopolitologue Pascal Boniface pouvait développer le thème de la « Conférence de 18 h 59 », ce soir au Palais des congrès ?
Vous l’avez certainement lu ou vu, et surtout entendu, sur un plateau de télévision. L’illustre géopolitologue, Pascal Boniface, directeur de l’Institut de relations internationales et stratégiques (Iris) et enseignant à l’Institut d’études européennes de l’Université de Paris 8, est l’homme-orchestre de marque de la conférence de ce lundi soir au Palais des congrès (1).
Celui qui a écrit ou dirigé la publication d’une soixantaine d’ouvrages ayant pour thème les relations internationales, les questions nucléaires et de désarmement, les rapports de force entre les puissances, la politique étrangère française, l’impact du sport dans les relations internationales (il a développé le concept de géopolitique du sport), ou le conflit du Proche-Orient et ses répercussions en France, parlera de « la France dans le monde ». Avec passion et expertise.
« La France dans le monde », un thème porteur ?
On se pose toujours la question de savoir si notre pays a encore une capacité d’influence ou non. C’est une question qui se pose parfois de façon caricaturale en concluant que l’on ne pèse plus rien sur la scène internationale. Il est nécessaire d’apporter une réponse plus circonstanciée et pour montrer que, même si nous ne sommes pas la première puissance mondiale, nous avons encore des capacités d’action et il y a encore des attentes de la France au niveau international. Nous allons réfléchir sur la place exacte qu’a notre pays sur l’échiquier international.
La place de la France dans le monde, c’est cette dernière position vis-à-vis du Venezuela (). La situation est extrêmement tendue dans le pays et aussi entre certaines grandes nations…
Il n’y a pas qu’au Venezuela où les tensions sont importantes. D’autres pays, comme la Syrie ou le Sud Soudan, vivent une situation plus grave. Mais c’est l’objet actuel de toutes les attentions car on voit bien qu’il y a une ligne de fracture double : sur le plan national et à l’international avec les soutiens de l’un et de l’autre qui ont des visions radicalement différentes de la situation et des moyens d’en sortir. En ce moment, nous sommes dans le cas où l’armée protège un président qui a été mal élu, et dont l’élection est contestée. Espérons que nous ne soyons pas au bord d’une guerre civile entre les deux camps.
L’Europe fait face à une montée des mouvements de contestation sociale : comment en est-on arrivé là ?
La situation est paradoxale car les citoyens des pays membres de l’UE éprouvent une fatigue de la construction européenne. Nous aurons certainement un fort taux d’abstention aux élections de mai et un vote très fort pour les partis qui contestent la construction européenne. Et en même temps, on observe une formidable attractivité pour l’Europe en dehors, puisque les réfugiés qui quittent les guerres civiles ou la misère de leur pays veulent aller en Europe et par ailleurs les pays candidats à l’UE, qui font la queue pour y rentrer, sont nombreux. L’Europe s’est peutêtre élargie de façon trop rapide. Il faut redonner aux citoyens européens la conscience nouvelle de l’utilité de l’Europe, l’envie de croire en ses institutions.
Vous qui baignez dans l’univers médiatique, la défiance et les menaces envers des journalistes vous inquiètentelles ?
Oui parce qu’il n’est jamais bon de s’en prendre à la presse. Cette crise de confiance, entre les médias et le public, entre les élites et la population, est extrêmement inquiétante. On peut aussi penser que ceux qui ont été les victimes des attaques ne sont pas les responsables de cette coupure.
‘‘ L’Europe s’est peutêtre élargie de façon trop rapide”
1. Conférence gratuite sur réservation auprès du centre culturel. Tél. 04 98 11 89 00 ou billetterie@ville-saintraphael.fr
2. La France, l’Espagne, l’Allemagne, le Royaume Uni, le Portugal et les Pays-Bas ont donné jusqu’à hier soir à Nicolas Maduro pour convoquer de nouvelles élections, faute de quoi ils reconnaîtront le chef de l’opposition Juan Guaido comme président.