Var-Matin (Fréjus / Saint-Raphaël)
Le futur se dessine ici, sur ce campus hors du commun
C’est un endroit insolite caché quelque part du côté d’Aix-enProvence. The Camp a été créé en 2017 pour «faire émerger des idées afin de construire le monde de demain». Mais qu’y fait-on réellement sur place? On a poussé les portes de ce campus high-tech
On n’est pas des hippies, ni des anticapitalistes” On veut casser une certaine façon de penser”
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«Et si pour changer, on s’inspirait de ce qui n’a jamais été fait avant ». Placardé (en anglais dans le texte) sur un immense panneau à l’entrée du site, le slogan a le mérite d’être clair. L’ambiance futuriste de l’endroit conforte aussitôt l’idée selon laquelle ce lieu a tout
simplement été créé « parce qu’il n’existait pas ailleurs » .Et qu’ici donc, l’avenir n’a ni limite, ni contrainte… Juste un cadre, naturel et inspirant, qui prend sa source en plein coeur de la Provence. Bienvenue à The Camp. Un camp de base qui, comme le dit la formule, a été conçu « pour explorer le futur » .Vudu ciel, ce campus hors du commun ressemble à une espèce d’ovni en forme de médiator géant qui se serait posé là à la hâte, au beau milieu de la garrigue qui entoure le plateau du Technopôle de l’Arbois. L’emplacement est hautement stratégique. On est à un quart d’heure de l’aéroport de Marseille et à cinq minutes à peine de la gare TGV d’Aix-en-Provence.
Chemise psyché et flûte indienne
À peine a-t-on pénétré dans l’enceinte qu’on tombe nez à nez avec deux gars armés d’un casque de réalité virtuelle. Le duo semble répondre aux consignes données par un autre mec, sandales au pied, chemise psyché et veste de costard sur le dos, muni d’un micro sans fil et d’une sorte de flûte indienne traditionnelle qu’il fait résonner de temps en temps.
On ose une simple question pour comprendre. « Ah, eux. Ils doivent être là pour le festival Chroniques », balaie, pas franchement étonnée, Maggie Oran, la responsable éditoriale du site. Plusieurs fois par trimestre, le campus accueille conférences, séminaires et festivals en tout genre. En cette fin d’année 2018, la Biennale des Imaginaires Numériques y a donc posé ses quartiers pendant deux jours, rassemblant professionnels de l’art, de la culture, du tourisme et autres acteurs économiques de la région. C’est l’une des vocations de The Camp : réunir des profils variés venus d’horizons divers pour les faire plancher, ensemble, sur l’avenir.
« L’idée, retrace Antoine Meunier, la quarantaine fringante et le cheveu en vrac, c’était de créer un campus pour faire émerger une nouvelle génération d’acteurs du changement ». Le boss de la communication part d’un simple constat : «Il existe des grandes écoles dans beaucoup de domaines, poset-il. Mais où est-ce qu’on va, concrètement, pour se former au futur ? Il manque un truc à ce niveau… » C’est bien dans cette optique qu’a été créé The Camp. « Après, on n’a pas non plus la prétention de changer le monde », tempère Antoine Meunier qui, comme beaucoup de gens ici, se balade avec un Mac portable sous le bras.
Lui était déjà là, il y a cinq ans, lorsque Frédéric Chevalier imaginait alors ce qui allait devenir « un lieu transdisciplinaire, transculturel et transgénérationnel, dans lequel on apprend, on réfléchit et on expérimente ensemble ». Le père fondateur de The Camp est décédé dans un accident de moto, deux mois à peine avant son inauguration à l’automne 2 017.
Le site, lui, a été pensé et dessiné par l’architecte marseillaise Corinne Vezzoni. Lumières et courbes, matériaux et volumes… tout donne l’impression d’évoluer dans un monde à part fait de bois, de béton brut et de verre. On arrive dans une canopée de 7 000 m2 sur 10 m de haut, qui relie entre eux treize immenses cylindres de deux étages inondés de lumière. C’est dans ces bâtiments circulaires que les « campers » réfléchissent au monde de demain. Au milieu, il y a le bar, son piano, sa connexion WiFi et ses cafés gratos. Les quelque 150 « résidents » logés dans le bâtiment voisin, beaucoup plus sobre et tout en bois, ne cachent pas leur «joie» ni leur « chance » de résider sur ce campus high-tech bordé de pins, baigné de « bonnes ondes » et alimenté par « 100 % d’énergies renouvelables ».
Hasard des rencontres et des idées
Difficile en effet de trouver un lieu plus inspirant que The Camp. On y découvre des terrains de sport connectés, une piscine à filtration naturelle, des VTT à disposition, un boulodrome, un baby-foot, et même un potager dont les récoltes sont destinées à remplir les assiettes de la cantine végétarienne qui peut nourrir chaque midi jusqu’à 300 personnes.
Le site est par ailleurs truffé de petits coins « cosy » parfaitement adaptés au « chill », comme ce théâtre de verdure qui fait face à la Sainte-Victoire. On se croirait un peu dans un Center Parcs 2.0, avec séances de yoga à la carte. Sauf qu’ici, les gens sont là pour travailler, penser, créer. Et si rien dans l’architecture du site n’a été laissé hasard, sa configuration a justement été réfléchie de manière à provoquer « le hasard des rencontres et des idées ». Olivier Mathiot, président nonexécutif de The Camp, rappelle que « le point de départ de l’aventure, c’est de savoir comment on peut mieux vivre ensemble, en se posant des questions sur l’évolution du monde. On veut aussi casser une certaine façon de penser », précise celui qui a cofondé le site PriceMinister. Et pour ceux qui peuvent rester sceptiques face à la méthode, Olivier Mathiot reconnaît qu’il faudra du temps « pour que les mentalités changent ». « On n’est pas des hippies, précise-t-il au passage. Et on n’est pas anticapitalistes non plus ». Comme beaucoup d’autres ici, lui aime l’expression « out of the box ». Une manière de « penser différemment », avec critique et créativité. « Mais notre savoir-faire principal, résume-t-il, c’est de savoir travailler ensemble ».
« Cela donne parfois lieu à des rencontres totalement improbables », sourit Antoine Meunier. C’est vrai qu’on croise de tout : du dirigeant impeccablement encravaté au hipster barbu qui se déplace en skateboard. Cette savante alchimie se décline aussi dans le modèle économique de The Camp. De nombreuses entreprises privées sont aussi dans le coup.
Dimension humaniste
Olivier Mathiot insiste sur « l’importance de cette complémentarité privé-public ». « Impliquer les acteurs politiques de la région, les grandes sociétés et les start-up locales sur ce terrain expérimental » contribuera, selon lui, à la « faire rayonner la Provence », avec cette « dimension humaniste à la française » clairement revendiquée. « Notre prêt public devrait être remboursé à partir de
2022, précise d’ailleurs Antoine Meunier. On veut suivre un business model qui ne dépend pas de subventions pour ne pas avoir de contrainte politique ». Invité à poser la première pierre du chantier lorsqu’il était encore ministre de l’Économie, Emmanuel Macron n’avait pas caché son enthousiasme à l’idée de voir émerger un site pareil. « La France, avait-il alors lancé, a besoin de femmes et d’hommes qui prennent des risques. »
Un après son inauguration, The Camp est sur le point de trouver sa vitesse de croisière. « Plus de 30 000 personnes et 300 entreprises sont déjà venues depuis l’ouverture » ,se félicite Olivier Mathiot, qui retient aussi « la visibilité internationale » du site. Voilà pour la première étape.
Reste à écrire la suite. Telle est la mission des « campers » aixois. Trouver des idées, les développer, et les faire voyager. En espérant qu’elles soient déclinées un jour ou l’autre, ici ou ailleurs, « à Rio ou à Hong Kong ». Le président non-exécutif en est persuadé : « Les jeunes ont de plus en plus conscience des gros problèmes du monde ». Bien plus en tout cas que « la génération d’avant (qui) a cramé les ressources de la planète pendant les Trente Glorieuses. »
L’étape suivante du « changement de paradigme » est sans doute la plus délicate. « Faire changer les mentalités, c’est pas simple et ça prend du temps, conclut Antoine Meunier. Mais on sent que la dynamique est là. » Lire l’intégralité de l’article sur notre site varmatin.com
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