Var-Matin (Fréjus / Saint-Raphaël)
‘‘Contacté du Brésil pour… le carnaval de Nice’’
Enseignant au conservatoire de St-Raphaël, Benjamin Mélia joue les mélodies diffusées pendant le défilé. Il sort un album et prépare le Festival de Provence
On ne présente plus Benjamin Mélia. D’abord parce qu’il enseigne la musique depuis une vingtaine d’années au conservatoire municipal de SaintRaphaël. Ensuite parce qu’il a fait chanter des milliers de petits Raphaëlois dans les écoles communales où il intervient. Enfin parce qu’il est le fils de Lucien Mélia, célèbre fabricant d’instruments de musique à partir de Cannes de Provence et de calebasses.
Ainsi bien connu sur le territoire est-varois, cet artiste passionné est en passe de l’être dans le monde entier avec son nouvel album. Vous l’avez sans doute entendu aussi, peut-être sans le savoir. C’est lui qui joue les mélodies diffusées pendant le défilé du carnaval de Nice. À 38 ans, ce jeune papa d’un petit garçon né en juillet dernier, raconte son étonnante aventure.
Comment en êtes-vous venu à jouer du fifre pour la bande sonore officielle du très fameux carnaval de Nice ?
C’est une anecdote amusante. Un dimanche soir, à heures, je reçois un appel en provenance… de Rio de Janeiro. Qu’elle n’a pas été ma surprise quand j’ai écouté le message. C’était le compositeur Franco-Bresilien, Pascal Giordano, qui voulait absolument que je joue ses compositions. Nous nous étions rencontrés lorsque nous faisions nos études à Nice et il m’a dit qu’il avait vu mon travail sur les musiques traditionnelles. La Ville de Nice venait de lui passer commande pour la musique du carnaval. Il a écrit les morceaux et a voulu que je joue ses mélodies au fifre. J’ai enregistré ses partitions en studio à Toulon et je lui ai envoyé les fichiers audio par mails, à Rio. Pascal Giordano a mixé la musique au Brésil et elle est revenue, toujours par mail, à Nice. C’est tout de même amusant que l’on me demande à km pour finalement être entendu à côté de la maison. On passe du local au global.
Des sons originaux ?
Oui, c’est transculturel. Il s’agit d’une création mêlant la tradition musicale populaire niçoise, la langue Niçoise, et les rythmes colorés de l’expression carnavalesque carioca. C’est très joyeux avec la rythmique brésilienne et la sonorité du fifre.
Décidément, vous allez être entendu bien au-delà de notre territoire, notamment avec votre nouvel album ?
Je viens de sortir un album sur le galoubet-tambourin, instrument traditionnel de la Provence, sur des compositions originales pour un quatuor, le Belouga Quartet. Cet album est distribué internationalement via mon distributeur. Des extraits ont déjà été entendus sur de nombreuses radios à travers le monde, en Amérique du Nord (roots Worlds, WPKM) et en Europe. On vient d’avoir un article au Japon et France a fait une émission sur mon album qui va bientôt être diffusée. Notre instrument qui n’existe que dans notre région est entendu dans le monde.
D’où vous vient ce goût pour la musique traditionnelle ?
Mon père m’a transmis sa passion. Il fabrique toujours des instruments, des oeuvres d’art qu’il expose. Il travaille la Canne, matériau symbolique du bassin méditerranéen depuis trois mille ans. J’ai très vite eu envie d’apprendre le fifre, le galoubet (flûte à trois trous) qui se joue avec le tambourin, l’accordéon diatonique, la cornemuse. J’ai voulu devenir musicien et j’aime enseigner. Ce qui m’a encouragé dans cette voie, c’est la sociabilité qu’engendre la musique traditionnelle. Elle est l’occasion d’une vie collective. Avec l’accordéon, la cornemuse, il y a des bals, des animations.
Et vous savez allier la tradition à la modernité…
Ce qui me passionne dans la tradition, c’est que c’est un moyen de résister à un modèle dominant. Je veux participer à la diversité des sonorités et donc des cultures. C’est inquiétant d’écouter la même chose partout dans le monde. La sonorité porte en elle la culture. Cela peut être associé à la modernité. Pour preuve, mon prochain projet.
Que vous présenterez au prochain festival d’Avignon, du au juillet ?
Oui, je propose cette année une nouvelle pièce avec des instruments traditionnels associés à de la danse contemporaine. On est au croisement de deux pratiques avec un chorégraphe connu, Christophe Garcia. Je joue cette pièce en Suisse et à Angers le mois prochain puis au festival d’Avignon cet été. Une heure de ballet contemporain, un spectacle mystique, poétique, incluant dans la mise en scène les musiciens.
Et vous préparez le Festival de Provence ?
J’ai créé ce festival il y a six ans et je remercie vivement la Ville de m’avoir fait confiance et de me soutenir sur cet évènement fédérateur. Les locaux se retrouvent et les touristes découvrent cette fête de famille. C’est une manifestation élaborée à travers un maillage d’associations, le premier weekend du mois d’août, à l’occasion de la Saint-Pierre. Il y a des stages de danses avec des groupes folkloriques, des concerts, des bals, un marché de lutherie dans le centre ancien. C’est un évènement qui ne tombe pas du ciel mais qui sort de terre avec les personnes du territoire. Ce festival est soutenu par le conseil départemental, le conseil régional et il prend de l’ampleur. Il met la culture traditionnelle dans un projet de territoire. J’aime sensibiliser à la musique surtout traditionnelle et pour que le grand public apprenne à l’aimer, il faut qu’il l’entende. Le goût, c’est une habitude, l’acquisition de la liberté de goûter à toutes les musiques.