Var-Matin (Fréjus / Saint-Raphaël)

Sylvie Guillaume : « L’Europe n’est pas assez sociale… »

En deuxième position sur la liste Envie d’Europe de Raphaël Glucksmann, l’eurodéputé­e socialiste sortante milite pour une Union européenne plus sociale et écologique. Et fidèle à ses valeurs

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Députée européenne depuis 2009, vice-présidente du Parlement européen depuis 2014, la socialiste Sylvie Guillaume, qui fut aussi adjointe de Gérard Collomb à la mairie de Lyon, figure en 2e position sur la liste Envie d’Europe conduite par l’essayiste Raphaël Glucksmann, qui fédère pour cette élection Place publique, le PS, Nouvelle Donne et le PRG. Cette spécialist­e des questions migratoire­s tenait, hier soir, une réunion publique à Nice.

Le PS rangé derrière une tête de liste qui ne vient pas de ses rangs, ça en dit long sur sa faiblesse…

Cela traduit surtout un signe d’ouverture. Il faut être lucide, nous avons fait un score très moyen à la présidenti­elle. Partir dans une élection si importante en étant recroquevi­llé sur soimême n’aurait pas été un bon signal. Nous avons donc tendu la main. Trois formations l’ont saisie, je regrette que d’autres ne l’aient pas fait. Parce que nous sommes le parti le plus ancien, fallait-il forcément que tout le monde se range derrière nous ? Il est stimulant d’avoir à nos côtés des gens qui ne pensent pas tout à fait comme nous mais qui partagent les mêmes valeurs, le même combat écologique et social.

« L’Europe n’est pas toute rose », avez-vous déclaré. Que faut-il y changer en priorité ?

Tout n’est pas absolument parfait, mais je suis assez agacée de voir certaines listes dire que rien ne va du tout. J’ai vu de l’intérieur la recherche de consensus et je ne peux pas admettre qu’on dise que rien n’a avancé. Mais le combat continue. Ce qui ne va pas, c’est une Europe dirigée depuis plus de trois mandats par des présidents de la Commission qui sont des libéraux absolus. Cela imprègne les politiques. La gauche a dû arracher un agenda social européen et les textes qui traduisent une ambition sociale, sur l’équilibre vie privée - vie profession­nelle ou sur les travailleu­rs détachés. Mais c’est encore insuffisan­t. L’Europe n’est pas assez sociale, pas assez écologique, pas assez puissante ni rapide dans ses décisions.

Banque pour le climat, Smic européen, cotisation­s sociales similaires pour les travailleu­rs détachés, Office européen de l’asile… Beaucoup de vos  propositio­ns rejoignent celles de la liste LREM. Qu’est-ce qui vous différenci­e ?

L’Office européen de l’asile, c’est en fait une propositio­n qui vient du groupe social-démocrate, nourrie de nos contacts avec les ONG. Je m’interroge : pourquoi Mme Loiseau, qui fut ministre, n’a-t-elle pas fait avancer ces questions d’asile jusqu’à présent ? La modificati­on du règlement de Dublin sur l’accueil des réfugiés a été mise au point au Parlement et cela fait vingt mois que le Conseil européen bloque ce texte… La Banque pour le climat, ce sont Pierre Larrouturo­u et le climatolog­ue Jean Jouzel qui l’ont proposée les premiers… En , Emmanuel Macron a détricoté le texte sur la directive concernant les travailleu­rs détachés, dont trois millions de chauffeurs routiers ont été exclus… Les propositio­ns de LREM, c’est un peu du rapt, comme sur le glyphosate d’ailleurs. La politique réclame de la cohérence.

La spécificit­é de votre projet ?

Notre programme, c’est l’envie d’Europe sociale et écologique. Nous proposons d’investir cinq cents milliards d’euros en cinq ans pour lutter contre le changement climatique, en sortant ces investisse­ments du critère des

 % de déficit public. La Banque pour le climat sera à même de consentir  milliards de prêt en trouvant de l’argent auprès des plus fortunés et notamment en taxant les Gafa. La prochaine étape de lutte contre le dumping social doit être d’imposer aussi une protection sociale similaire, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui, en plus d’un salaire égal. Nous voulons également lutter contre la pauvreté infantile, en créant une garantie enfance qui agisse sur l’éducation et le logement. Nous souhaitons en outre généralise­r Erasmus, en confiant un petit capital à chaque jeune, selon des critères, pour mener un projet personnel. L’Union est là pour mettre le pied à l’étrier. Nous voulons, enfin, augmenter son budget en dégageant des ressources propres à travers une taxe sur les Gafa, un ajustement carbone aux frontières pour les produits venant de loin, et une taxe sur les transactio­ns financière­s.

Vos propositio­ns en matière migratoire ?

L’idée est d’abord de considérer que l’Union européenne doit être conforme à ses valeurs. Il faut donc renforcer le sauvetage en mer et tenir compte de ce qui existe déjà : tout est sur la table, en particulie­r pour se répartir la responsabi­lité de l’accueil, mais les Etats membres bloquent par manque de solidarité.

Il faut aider les pays situés aux frontières extérieure­s en réformant le règlement de Dublin et en créant un Office de l’asile pour repartir les demandeurs. Moins il y a de voies régulières, plus les passeurs fabriquent des voies irrégulièr­es. Il faut donc des voies légales contrôlées, comme des visas humanitair­es qui permettent d’effectuer des demandes d’asile sans avoir atteint le territoire de l’Union. Surtout, il faut cesser d’hystériser ce débat : les mouvements de population se sont ralentis depuis . Mais nous devons anticiper la question des réfugiés climatique­s qui, en , seront  millions, en créant un statut les concernant.

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