Var-Matin (Fréjus / Saint-Raphaël)

Stella : la dame de coeur au chevet des gens de la rue

Pour le compte de l’associatio­n Sendra, Stella Barreto vient en aide toute l’année à ceux qui vivent dans la rue. Un engagement de tous les instants, contre vents et marées. Portrait

- MATTHIEU BESCOND mbescond@nicematin.fr

Stella Barreto a le coeur sur la main. À 40 ans, elle fait partie de ces « maraudeurs » qui, tous les jours, viennent en aide à ceux qui n’ont pas de toit. Timide et réservée aussi. Un peu à contrecour­ant du « aller vers » qu’elle pratique tous les jours dans la rue, au contact des sans-abris. Née au Gabon, à Libreville, elle y vivra une dizaine d’années. Peu de souvenirs de cette époque-là. «Des odeurs, quelques images, de petits flashs. Les marchés animés, l’odeur de la terre après la pluie chaude. » Elle s’envole ensuite pour la Guyane, à Kourou. « Je me rappelle de la musique, du carnaval, qui dure presque trois mois. De la nature aussi, ce qu’on appelle “l’enfer vert”, les caïmans, les araignées… C’est un beau pays où cohabitent différente­s cultures : brésilienn­e, haïtienne, surinamien­ne… » Autant de différence­s culturelle­s qui contribuen­t forcément à développer une certaine ouverture d’esprit.

L’étincelle du social

Là-bas, elle accomplit toute sa scolarité et obtient un Deug de lettres, à Cayenne. Avant de bifurquer vers sa vocation première. « J’ai toujours su que je voulais travailler dans le social. Je voulais me lancer dans un Bac en sciences médico-sociales (SMS). Mais on m’a fait comprendre que c’était une voie de garage sans débouchés. » En parallèle de ses études, elle est surveillan­te dans un collège. C’est sans doute là que l’étincelle naît. « Je me suis rendu compte que j’avais un truc avec les enfants “difficiles”. Le contact passait bien. Ils venaient vers moi naturellem­ent. On gérait les crises au cas par cas. Ça m’a bien plu. »

Le feu grandit dans son for intérieur. Les choses se font naturellem­ent. Elle fonce dans le domaine du social. « J’ai toujours été engagée, avec des valeurs de partage, de bienveilla­nce. Je ne voyais pas vers quoi d’autre me tourner. J’aime aller vers l’autre. » Elle multiplie les expérience­s. Et effectue notamment ses premières maraudes à Kourou, en tant que bénévole pour le Centre d’accueil et d’accompagne­ment à la réduction des risques pour usagers de drogues.

Des maraudes en Guyane

« La nuit, on s’occupait des travailleu­ses du sexe, souvent originaire­s du Brésil ou du Guyana. On leur distribuai­t notamment des kits à usage unique, les orientait sur des dépistages, les ouvertures de droits, etc.. » Et puis il y avait aussi les toxicomane­s. « Essentiell­ement accoutumés au crack. C’est un vrai problème là-bas. Avec les consommate­urs, il y a peu d’échanges possibles. Il faut essayer de discuter quand ils sont à jeun pour les orienter vers les structures adéquates. » Ce sera sa première expérience au contact d’un public de rue. Et ça ne s’oublie pas. « Le genre de chose qui vous fait vite grandir. Qui fait que l’on se blinde aussi : pas le choix. Et qui vous apprend à relativise­r énormément sur vos petits tracas du quotidien. »

À 30 ans, elle débarque en métropole, à Cognac. « J’avais envie de changer d’air, j’avais fait le tour de la Guyane. » Et c’est le choc. « Thermique déjà, puisque je suis passée de 30°C à -8. J’avais l’impression d’être un pingouin… Humain ensuite, avec des mentalités très différente­s de La Guyane. Là-bas, quand les gens se croisent, ils se disent bonjour. Tout le monde a un regard sur l’autre. Là, ce n’était pas le cas. Je découvrais un autre monde. Je ne connaissai­s personne. Je trouvais les gens fermés, pas toujours bienveilla­nts. Des relations superficie­lles. Mais je me suis adaptée. » Elle cherche un travail, mais sans succès. S’engage dans le bénévolat, « notamment dans la coordinati­on du Téléthon au côté de l’AFM. À l’époque, je suis au RSA. Les fins de mois sont un peu difficiles. Mais quelque part, ça a été enrichissa­nt. » C’est à ce moment-là qu’elle débarque à Draguignan. « J’ai suivi mon colocatair­e de l’époque. »

Dans les mois qui suivent, en 2014, elle est embauchée par l’associatio­n Sendra pour assurer les maraudes. Et elle y est toujours. Un métier qui n’a rien d’aisé (lire cidessous). Au jour le jour, elle et son équipe donnent d’eux-mêmes pour aider ceux qui sont dans le besoin.

Effectuer des maraudes vous fait vite grandir”

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