Var-Matin (Fréjus / Saint-Raphaël)

« Il y a autant de façons de vivre que d’hommes »

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« À Draguignan, on est peu confronté à des usagers de drogues dures, explique Stella, en comparant son expérience avec celle en Guyane. On fait plutôt face à des problèmes d’alcool, de cannabis, voire de médicament­s. » À la création de l’équipe, en 2014, les choses ne sont pas évidentes. « Au départ, on ne connaissai­t personne. On a commencé par se présenter, tisser du lien. » Comment fait-on ? « On s’assoit, on prend le temps, on boit un café. On se fait repérer par ceux qui sont dans le besoin. Et puis au fil du temps, on finit un peu par faire partie du mobilier urbain. »

Susciter une impulsion

Au contact des SDF, l’équipe tente d’impulser quelque chose, de susciter une demande. «On leur explique nos missions. On précise qu’on n’est pas là pour “fliquer”. Ni pour déranger, au contraire. On va sur leur terrain. Car la rue, c’est leur chez eux. » Allez vers eux, mais sans trop entrer dans leur bulle. « On essaie de trouver des chemins un peu détournés pour les aborder, avec l’humour notamment. C’est universel, ça casse les barrières sociales. »

Et de poursuivre : «Lepluscomp­liqué dans ce métier, c’est d’accepter et de comprendre que les choses ne vont pas à notre rythme, mais à celui de chaque personne que l’on croise. Il faut accepter que tout le monde ne soit pas tout de suite prêt à ce qu’on lui prenne la main pour l’accompagne­r. » Comprendre que les choses ne se feront qu’une fois qu’ils l’auront décidé.

Car tous ne souhaitent pas qu’on les aide. « On grandit dans une société où l’on nous explique qu’une vie “normale” se résume à se marier, avoir des enfants, un joli logement… Mais il faut comprendre que tout le monde ne veut pas d’une maison avec sa petite barrière blanche devant… Il y a autant de façons de vivre que d’hommes. La vie est comme chaque personne veut qu’elle soit. »

Et puis il y a ceux qui sont victimes d’accidents de parcours, qui n’ont rien choisi. « Eux peuvent choisir de s’en sortir, de se bouger. Mais avant qu’un SDF ne franchisse par exemple la porte d’un médecin, il peut se passer des semaines voire des années. Nous, on essaie d’impulser ce genre de démarche. De déclencher de petites étincelles pour que le feu prenne. Il faut beaucoup de temps, de patience, de discussion­s

informelle­s. »

Trouver la bonne approche

Stella aime son métier. Elle l’a dans le sang. « J’aime retrouver des personnes que j’ai plaisir à voir et qui me le rendent bien. J’aime le challenge de trouver la bonne approche. Peu importe par où il faut passer pour maintenir cette relation avant que ça ne débouche sur quelque chose. » À Draguignan, l’équipe s’occupe de 200 personnes par an. «Ilya aussi d’anciens SDF logés, mais pour qui tout reste très fragile, avec qui on essaye de maintenir le lien pour éviter le retour à la rue. Car une fois qu’ils ont un toit et qu’ils se retrouvent seuls chez eux, c’est parfois violent. » « Maraudeur », ce n’est pas un métier donné à tout le monde. Et si Stella dit se remettre en question en permanence, elle n’est pas prête de changer de voie. « La rue, ça me plaît. C’est très enrichissa­nt. Parfois, je regrette que les citoyens ne prennent pas la mesure de ce que vivent ces SDF. Ce n’est pas parce que quelqu’un fait la manche qu’il est feignant et qu’il ne fait rien pour s’en sortir. S’il est trop alcoolisé, c’est qu’il a des soucis. Derrière, il y a un être humain qui peut s’en sortir. »

Avant d’ajouter : «Ilyaaussid­es gens qui ont beaucoup de compassion. Qui font preuve de solidarité et qui donnent des repas. Ça arrive souvent. Et c’est beau à voir. »

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