Var-Matin (Fréjus / Saint-Raphaël)

Secret défense : l’armée mise à l’amende à Toulon

Le ministère des Armées a-t-il abusé du « confidenti­el défense » pour ne pas répondre à la justice, au sujet d’un ingénieur en cybersécur­ité qui avait perdu son habilitati­on ? Affirmatif

- SO. B. sbonnin@varmatin.com

La décision est passée inaperçue. Aussi furtive que le sujet dont elle traite. Pourtant, ce jugement du tribunal administra­tif de Toulon a de quoi interpelle­r. Le ministère des Armées a été sommé de réexaminer la demande d’habilitati­on « confidenti­el défense » déposée par un Varois. S’estimant lésé, ce dernier est à l’origine de la procédure.

Du métier de cet homme présent à l’audience, on ne saura que son profil d’ingénieur en cybersécur­ité, embauché par un grand industriel du secteur de la défense implanté dans le Var. Et dont le principal client est la Marine nationale.

La transparen­ce « atténuée »

Or, le domaine d’activité de Monsieur X, au contact indirect des forces françaises, de leurs systèmes de combat et de protection, exige qu’il soit titulaire d’une habilitati­on « confidenti­el défense ». Ce qui lui avait été accordé par le passé. Puis refusé, en décembre 2016.

« L’exigence de transparen­ce des administra­tions est ici atténuée » par le caractère sensible des informatio­ns, a volontiers reconnu le rapporteur public à l’audience, au moment de ses préconisat­ions.

Pour autant, le ministère de la Défense avait superbemen­t ignoré le supplément d’instructio­n demandé par le tribunal administra­tif.

Or,« le juge doit être en mesure de connaître les motifs, même de façon minimale, d’un refus », a-t-il été reproché à l’audience publique. Ce principe relève de la séparation et de l’équilibre des pouvoirs dans notre République. Et sur ce point, le jugement est explicite : « Il appartient au juge de l’excès de pouvoir, de contrôler la légalité des motifs sur lesquels l’administra­tion se fonde ». L’avis est tranché, « la ministre n’ayant produit aucun élément démontrant qu’une enquête de sécurité a bien été déclenchée ». L’argument de Monsieur X a fait mouche, lui qui s’estimait ciblé, sans « qu’aucune enquête de sécurité n’ait été diligentée » sur sa personne.

Identifier des « vulnérabil­ités »

« Fondée sur des critères objectifs », cette enquête administra­tive est censée identifier « d’éventuelle­s vulnérabil­ités, soit parce que l’intéressé constitue lui-même une menace pour le secret, soit parce qu’il se trouve exposé à un risque de chantage ou de pression s…» Le tribunal prend acte de l’avis défavorabl­e de la commission du secret de la défense nationale sur le dossier (lire aussi ci-contre).

Mais le juge estime malgré tout que « l’administra­tion n’a pas établi la réalité des griefs », à l’encontre de Monsieur X.

Le tribunal n’est pas allé jusqu’à demander la délivrance du précieux sésame à cet ingénieur, car la juridictio­n est justement ignorante du contenu de son dossier. Mais le ministère des Armées est sommé de procéder à un nouvel examen de sa demande d’habilitati­on.

Charge à la Défense nationale de démontrer a minima qu’une enquête administra­tive a été véritablem­ent menée – ce qui n’est pas en soi une informatio­n classifiée.

Et quand bien même, des éléments sensibles et confidenti­els ne seraient pas dévoilés. L’administra­tion ne l’entend pas ainsi, puisqu’elle a fait appel de la décision varoise.

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