Var-Matin (Fréjus / Saint-Raphaël)
Le bonheur au labeur
Cela pourrait tenir dans une petite annonce : « Président soucieux de passer pour un grand démocrate invite les petits malins ayant une idée de génie pour faire partir tout le monde à la retraite à soixante ans, à taux plein, à lui écrire. Palais de l’Elysée, , rue du Faubourg Saint-Honoré, Paris. » Faut quand même suivre… Depuis des décennies, tous nos gouvernants, de droite comme de gauche (avec quelques contorsions en sus), s’emploient à nous faire intégrer qu’il faudra bosser plus longtemps. Pas le choix, au regard de l’allongement sensible de la durée de la vie.
Et voilà que le gouvernement, par la grâce d’une année écoulée pourrie par les manifs, et alors qu’il a pourtant déjà son schéma bien en tête, veut nous refaire le coup du dialogue. « Etre à l’écoute. » Ces jours-ci, les ministres remontés comme des automates n’ont plus que cette antienne aux lèvres. Hier matin, Agnès Buzyn a ainsi embouché le clairon : la réforme des retraites fera l’objet d’une « concertation citoyenne », dont elle n’a toutefois pas dévoilé les détails. Tous ceux qui se sont sentis bernés par un Grand Débat dont les nobles envolées ont peu regonflé leur porte-monnaie en tremblent d’avance. Soyons juste néanmoins. A défaut de solutions miracles qui n’arriveront sans doute jamais, il faut mettre au crédit du gouvernement de vouloir donner du temps au temps dans ce dossier, contrairement à la façon dont il a remanié, à la va-vite, le code du travail ou l’assurance-chômage. Depuis le début des années quatre-vingt, pas loin d’une dizaine de réformes ou tentatives de réforme des retraites ont été amorcées, sans que le problème soit résolu. Il y a donc urgence à se poser, une bonne fois pour toutes, pour installer un système équitable apte à perdurer plusieurs décennies. Mais plus que sur l’âge de départ à la retraite, pour lequel la marge de manoeuvre apparaît quasi nulle, c’est en amont, sur l’organisation du travail, qu’il importe de se concentrer. Ce chantier-là est colossal. Et vierge. Dans une économie en perpétuelle mutation, instable et imprévisible, qui ne laisse pas d’inquiéter les jeunes et leurs parents, tout reste à inventer. Y compris les conditions d’un hypothétique bonheur au labeur. Les salles de gym ou les massages dans les entreprises ne sont jusqu’ici que d’aimables dérivatifs. Pour faire passer la pilule des retraites à retardement, il s’agit désormais de penser, autant que la compétition le permettra, des parcours individualisés, une autonomie accrue des salariés, des journées et des carrières à la carte. Vaste sujet, complexe, exaltant. A cette aune, la consultation de tous pourrait se révéler utile. Et, pourquoi pas, féconde.
« Il s’agit de penser des parcours individualisés, des journées et des carrières à la carte. »