Var-Matin (Fréjus / Saint-Raphaël)
Les étonnantes alliances proposées par la gauche italienne
Après la fin de son mariage avec la Ligue de Salvini, le Parti démocrate de gauche, opposant de Salvini et du M5S, a proposé, finalement hier, de s’allier au M5S
La classe politique italienne est en effervescence : le Parti démocrate (PD), première force de gauche, a proposé une alliance au Mouvement Cinq Etoiles (M5S), après la fin de son alliance avec la Ligue de Matteo Salvini, mais en posant un certain nombre de conditions à une nouvelle majorité de gouvernement.
Avant même le démarrage de « consultations » du Président italien Sergio Mattarella pour évaluer la solidité d’un nouvel exécutif, le PD a voté à l’unanimité une proposition qu’il fera au chef de l’Etat « pour constituer un gouvernement de changement » avec le M5S (anti-système).
« Une appartenance loyale à l’Europe »
Le PD veut s’entendre avec les Cinq Etoiles sur « un programme réalisable et partagé par une large majorité parlementaire », a expliqué à la presse le chef du PD, Nicola Zingaretti, à l’issue d’une réunion d’étatmajor.
Il a posé cinq conditions précises au M5S, une formation née de la dénonciation du vieux système politique et de la corruption mais parcourue par de multiples courants dont l’un fortement eurosceptique.
« Appartenance loyale à l’Europe, pleine reconnaissance de la démocratie représentative et de la centralité du parlement, développement basé sur le respect de l’environnement, changement de cap dans la gestion des flux migratoires avec un rôle prééminent de l’Europe, virage dans la politique économique et sociale vers davantage de redistribution et d’investissements ».
Le M5S n’a pas répondu à l’offre du PD, disant vouloir « attendre la fin des consultations » du Président qui seront lancées, cet après-midi, mais il a rappelé, dans un communiqué, qu’il est « le premier parti au parlement, avec sa propre majorité relative ».
En effet, et même si les rapports de force se sont inversés depuis, le M5S avait recueilli, aux législatives du printemps 2018, 32 % des suffrages contre seulement 17 % pour la Ligue de Matteo Salvini. Aujourd’hui, les sondages les créditent respectivement de 16/17 % et 36/38 %.
Matteo Salvini raille ses anciens « amis »
Sûr de sa bonne étoile et de la « protection du coeur immaculé de Marie », M. Salvini a maintenu sa ligne : il réclamera au Président « la voie royale » du retour aux urnes. Il s’est moqué, hier, de ses anciens «amis» Cinq Etoiles : « Demandezleur ce qu’ils pensent des cinq points de Zingaretti, ils ont un sacré estomac, en une semaine ils sont passés de la Ligue à Renzi ».
M. Renzi a dit espérer que pourra « s’ouvrir une nouvelle page pour l’Italie », soulignant que « l’accord entre le M5S et le PD peut être une solution », en dépit des fortes inimitiés du passé. Pour dénouer la crise, le président Mattarella dispose d’un éventail d’options, y compris un scrutin dès l’automne. Mais il est notoirement réticent à cette idée car les élections tomberaient pile au moment où la troisième économie de la zone euro, en panne et très endettée, devra présenter à la Commission européenne son projet de budget pour 2020.
Le président verra les principaux partis aujourd’hui.
Romano Prodi propose de s’allier à Berlusconi
L’une des inconnues sera la personnalité qui mènera la nouvelle majorité. Le Président Mattarella examinera aussi l’hypothèse proposée par l’ancien Premier ministre et exprésident de la Commission européenne Romano Prodi : une grande coalition pro-européenne, gauchedroite à l’allemande, baptisée « gouvernement Ursula ». Là encore, aucune certitude sur une telle alliance, qui inclurait le parti Forza Italia (centre-droit) de Silvio Berlusconi. L’ex-président du Parlement européen Antonio Tajani, proche du « Cavaliere », l’a jugée « impossible », privilégiant un rassemblement de la « droite libérale ».
Faute d’accord, il ne resterait au Président Mattarella, que deux possibilités : un gouvernement de techniciens pour adopter le budget et préparer des élections au printemps 2020, ou un « gouvernement du président » avec pour unique mandat d’organiser un scrutin anticipé fin octobre.