Var-Matin (Fréjus / Saint-Raphaël)

Hubert Falco : « Je ne le tutoyais pas mais je l’aimais... »

Le maire de Toulon a été ministre chargé des personnes âgées sous la présidence de Jacques Chirac. Il se souvient du chef de l’État « amoureux des territoire­s »... et du Var en particulie­r

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Deux fois ministre, dont une fois dans le gouverneme­nt Raffarin (2004), Hubert Falco garde un souvenir poignant du Chirac Président mais aussi du « Chirac d’après », lorsqu’il venait à Saint-Tropez chez son ami François Pinault. Confidence­s.

Quand vous pensez Chirac, quelle image vous vient à l’esprit ?

Je vois tout de suite son visage d’homme simple, humain, plein d’humour et de simplicité. Il était vraiment comme ça. Ce n’était pas une posture ou une image qu’il voulait donner. Aujourd’hui, je suis très triste et tout revient dans ma mémoire.

Quel lien aviez-vous avec lui ?

Plus qu’un lien politique, j’avais un lien personnel avec lui. De toute ma vie, je ne l’ai jamais tutoyé, bien qu’il s’en offusquait, mais je l’aimais... Chaque fois qu’on se voyait à Paris, il me parlait de Toulon. Il me disait :

« Il faut s’engager davantage. Cette ville et ce départemen­t le méritent ». Lors de la campagne de , je ne voulais aucun soutien trop politique à Toulon. Je voulais me présenter directemen­t aux Toulonnais. Seule Bernadette Chirac est venue me voir. Ensemble, nous avons descendu la rue d’Alger et les gens applaudiss­aient Bernadette. À travers elle, c’est Jacques qu’ils applaudiss­aient.

Tout a-t-il changé une fois au gouverneme­nt ?

Non. En tant que secrétaire d’État aux personnes âgées dans le gouverneme­nt Raffarin, j’ai beaucoup travaillé. Et puis est arrivé le drame de la canicule en . Pendant des semaines, j’ai été mobilisé et Jacques Chirac a toujours été présent pour me soutenir dans cette période terrible.

Je crois qu’il a compris tout ce qu’on a fait et ce que cela nous a coûté. C’est à la suite de ça que j’ai été nommé ministre délégué aux personnes âgées. J’ai gardé, dans le même temps, mon mandat de maire. J’y tenais et, là encore, Chirac m’a épaulé.

En  pourtant, vous revenez à Toulon, malgré les injonction­s parisienne­s ?

Oui. En octobre, je quitte le gouverneme­nt et je dis au Président, lors du dernier conseil des ministres : « C’est décidé : je m’en vais, je rejoins ma ville ». Il m’a dit : « Reste ! Ta carrière va continuer à Paris ». Mais non...

Vous êtes-vous donc fâchés ?

Fâchés, vous plaisantez ? Jacques Chirac ne se fâchait jamais. Il avait beaucoup d’amis sincères et savait les garder. J’avais la chance d’avoir ce rapport direct avec lui. Complice.

D’ailleurs, bien après mon départ du gouverneme­nt, il ne se passait pas une fois quand il venait dans la région sans qu’il m’appelle. Il me demandait où j’étais et quand on pouvait se voir. C’est ainsi que je venais à Brégançon boire une bière avec lui sur la terrasse ou que je le rejoignais à Saint-Tropez chez son ami François Pinault. À Paris, à Brégançon ou à SaintTrope­z, il restait le même.

Comment était-il vraiment dans le privé ?

Il était simple, humain. Il bougeait tout le temps, ça, oui ! C’était un homme d’une grande culture avec un humour à toutes épreuves. Il détendait tout le monde par un bon mot, une remarque, un sourire en coin... Et, bien sûr, il aimait le Var où, enfant, il avait été recueilli pendant la guerre avec ses parents au Rayol-Canadel. Cela l’a marqué à jamais.

Vous a-t-il parfois étonné par ses réactions ?

Oui, souvent. Comme cette fois aux Baux-de-Provence où, en tant que secrétaire d’État à l’aménagemen­t du territoire, j’inaugurais une place. Tout d’un coup, j’observe un attroupeme­nt du côté d’une terrasse au soleil. Il y avait là Bernadette et Jacques Chirac qui buvaient un verre. Et le Président me demandait de le rejoindre sur le champ !

Je me souviens aussi d’une rencontre en préfecture où, comme maire de Toulon, je me tenais au fond de la salle, discret. Chirac a croisé mon regard et m’a intimé l’ordre de m’asseoir à ses côtés illico.

C’était tout lui : direct, sincère et spontané.

Outre la politique, à quoi s’intéressai­t-il ?

À tout ! Il était incollable sur la France. C’était un homme amoureux des territoire­s. Du sud au nord et d’est en ouest, il connaissai­t tous les élus et analysait les situations au-delà du simple point de vue politique. Les arts premiers le passionnai­ent, on le sait. Ce qu’on sait moins, c’est que Chirac pouvait vous parler d’un opéra ou d’un spectacle à l’affiche.

Il était à la fois très actuel et attaché à l’histoire de France. Attaché et attachant : voilà qui lui correspond bien ! Finalement, entre lui et moi, cela n’a pas été une relation politique car je ne venais pas du RPR (Rassemblem­ent pour la République). C’était une relation humaine. Fraternell­e.

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(Photo Frank Muller) Hubert Falco : « À Paris, à Brégançon ou à Saint-Tropez, il restait le même ».
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(Photos Patrick Blanchard) En août , Jacques Chirac interrompt ses vacances au Fort de Brégançon pour réunir, à la préfecture à Toulon, les ministres concernés par le dossier libanais et les négociatio­ns à l’ONU. De gauche à droite : Philippe Douste-Blazy, ministre des Affaires étrangères, le Premier ministre Dominique de Villepin, Hubert Falco et Michèle Alliot-Marie, ministère de la Défense.
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Jacques Chirac et Hubert Falco en août  à la préfecture à Toulon.
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Jacques Chirac et Hubert Falco en juillet  à bord du porte-avions Charles-de-Gaulle.

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