Var-Matin (Fréjus / Saint-Raphaël)

Henri Courtine : rencontre avec une légende du judo

Henri Courtine, 89 ans, a participé au premiers mondiaux de judo. Il fut l’un des premiers champions français de la discipline. C’est aussi une figure de Saint-Raphaël où il s’est impliqué

- Textes : Pierre PANCHOUT ppanchout@nicematin.fr Photo : Frank TÉTAZ et DR

Arborant fièrement le polo du comité olympique dont il a fait partie, Henri Courtine montre volontiers son bureau où médailles et trophées encombrent les étagères, tandis que les murs sont tapissés de diplômes sportifs. Il se penche sur un cliché de lui en kimono, dans la pleine force de l’âge, et glisse dans un sourire : « Regardez comme j’étais beau à l’époque ! ». Aujourd’hui âgé de 89 ans «et demi », il n’a évidemment plus son corps d’athlète. Mais le même regard perçant anime ses yeux azur. Moins connu du grand public que le décuple champion du monde Teddy Riner, Henri Courtine n’en est pas moins une légende parmi les judokas. Il est l’un des pionniers de la discipline en France, et l’un de ses premiers champions. Pourtant, c’est relativeme­nt tard, à 18 ans, que Courtine met pour la première fois les pieds sur un tatami. « À l’époque, les enfants ne faisaient pas de judo. C’était une discipline exotique pratiquée par des Asiatiques. Moi, j’étais attiré par les sports de combat et je faisais de la boxe, même si je n’aimais pas vraiment ça. » Et puis, le hasard, ou bien la destinée, lui fait un signe. « Un ami qui faisait du judo m’a dit “pourquoi tu ne t’y mettrais pas toi aussi ?” Je ne savais même pas ce que c’était. » et ne permettait pas d’irrespect au sein du dojo. Mais il avait une façon de faire, une vision. Par exemple, les forts devaient toujours travailler avec les jeunes et les novices avant de s’entraîner avec d’autres forts. » Dès ses premiers pas en kimono, Henri Courtine est à l’aise.

« Le protocole, le salut... il y a une certaine ambiance. Qui est difficilem­ent définissab­le, mais qui n’existe que dans les arts martiaux ! »

Ce qui lui plaît aussi, c’est de découvrir son potentiel. « Sans être immodeste, j’ai vite compris que j’arrivais à mettre par terre un tas de gars plus expériment­és et plus costauds que moi. Car il faut rappeler qu’à l’époque, il n’y avait pas de catégories de poids. »

En 1956, il est l’un des deux Français à participer aux premiers championna­ts du monde de judo, à Tokyo. « Il a fallu une dizaine d’heures pour parvenir jusqu’à Anchorage (en Alaska), puis encore huit heures jusqu’à Tokyo... Tout ça dans un avion à hélices qui faisait un boucan prodigieux. Une fois posé, on avait les oreilles qui continuaie­nt à bourdonner pendant encore au moins 24 heures. » Mais le plus mémorable reste bien sûr le tournoi en luimême. Et là encore, il n’y avait aucune catégorie pour séparer les compétiteu­rs. «Le vainqueur, Shokichi Natsui, faisait 120 kg. Anton Geesink [par la suite double champion du monde, N.D.L.R.] en faisait 110... et puis il y avait moi, tout petit, 80 kg. Faire tomber des gars de 100 kg, c’était quand même une sacrée satisfacti­on. Je dois avouer que s’il y avait déjà eu les catégories de poids lorsque j’ai commencé le judo, je ne suis pas certain que j’aurais continué. Mon plus beau titre, ce n’est pas d’avoir été champion de France ni même d’Europe, mais d’avoir terminé 3e de ces premiers championna­ts du monde dans ces conditions. » Henri Courtine a écumé les dojos et récolté de nombreux titres jusqu’en 1963. Après sa carrière sportive, il devient entraîneur, puis directeur technique de la Fédération française de judo, directeur général et enfin directeur technique de la Fédération internatio­nale. « Ça a été une vie exceptionn­elle. Je m’estime très chanceux. Avec ses bons et ses mauvais moments, je prends tout et je ne regrette rien. »

Vraiment ? «Ahsi!En1954,ily avait le championna­t d’Europe à Bruxelles. Et je me retrouve en finale contre Anton Geesink, qui faisait 2 mètres. Je lui marque alors un avantage très net et je vois déjà la victoire. Mais c’est lui qui a finalement remporté le match. Ça, je dois dire que je l’ai encore... là ! » En 1987, le judoka retraité est nommé directeur du Creps de Boulouris. Tombé sous le charme de notre petit coin d’azur, il s’installe pour de bon à Saint-Raphaël. Et en 1995, sitôt sa retraite prise, il s’investit pour la Ville en qualité d’adjoint au maire, à la demande de Georges Ginesta.

« Je ne me voyais pas ne rien faire,

alors j’ai accepté. Je me rappelle qu’il voulait que je m’occupe du sport. Je lui ai dit “Ah non, tout

mais pas ça !” Il m’a confié l’urbanisme. Je n’y connaissai­s rien, mais j’ai dit oui et j’ai été me former à Paris. J’ai appris beaucoup de choses. »

Il coule aujourd’hui une retraite paisible et discrète dans sa petite villa de Valescure. La cité de l’Archange lui rendra hommage, début 2020, avec l’inaugurati­on d’un bâtiment sportif flambant neuf, le dojo Henri Courtine.

‘‘ Faire tomber des gars de  kg, c’était une sacrée satisfacti­on”

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