Var-Matin (Fréjus / Saint-Raphaël)
Incendie de Lubrizol : la polémique s’étend
Deux jours après le spectaculaire incendie de l’usine chimique Lubrizol, qui suscite de nombreuses questions et inquiétudes sur l’impact sanitaire et environnemental de cette catastrophe industrielle, le préfet de Normandie a dévoilé hier les résultats d’analyses, qu’il juge « encourageants ». Mais dans le même temps, le parquet de Rouen a élargi l’enquête à la « mise en danger d’autrui », et les hommes politiques se sont emparés du sujet.
● Une qualité de l’air « normale »
« Nous disposons de l’essentiel des résultats d’analyse, qui sont encourageants et qui traduisent pour l’air une situation normale », a déclaré Pierre-André Durand. Réalisées par Atmo Normandie, elles sont disponibles sur leur site et les autres résultats devaient être mis en ligne sur le site de la préfecture dès hier soir, mais cela ne semblait pas être le cas à près de 22 heures.
● Suies : la situation « pas alarmante »
Concernant les suies, « nous n’avons pas de situation alarmante », a assuré le préfet. Interrogé sur la présence de plomb dans certaines analyses, il a estimé qu’elles étaient « vraisemblablement imputables à des traces historiques », soulignant qu’elles étaient « situées principalement sur des axes ou à proximité de voies très fréquentées » et que « l’entreprise n’utilisait pas de dispositif en plomb ».
Il a déclaré qu’il était « possible que quelques établissements scolaires » soient encore fermés demain, faute d’avoir pu nettoyer les locaux. La liste complète des écoles qui l’auront été devrait être disponible ce soir. Concernant l’impact sur les cultures, il a annoncé que « les productions végétales qui auraient été exposées et récoltées, et de même que le lait ou le miel collectés, sont consignés sous la responsabilité de l’exploitant jusqu’à l’obtention de garanties sanitaires. »
● Un impact pourtant très lointain
Preuve de l’importance de la pollution, le large nuage qui s’est échappé de l’incendie, large de 6 kilomètres et long de 22 kilomètres, est remonté loin au nord. Le maire de Bohain-en-Vermandois Yann Rojo, commune au nord de l’Aisne, située à 200 kilomètres de Rouen, a affirmé hier que ses habitants ont « constaté des flaques d’eau brunâtres, teintes de résidus d’hydrocarbure » et « des traces de suie ».
● Sur le site, benzène et amiante
Ces analyses font par ailleurs ressortir, sur le site de l’accident lui-même, la présence de benzène, ainsi que d’amiante « dans la toiture des bâtiments ». Un programme de mesures de fibres dans l’air a été lancé dans un rayon de 300 mètres.
● Vers « une centaine de plaintes » ?
Côté judiciaire le parquet de Rouen, qui a reçu plusieurs plaintes, a décidé d’élargir l’enquête ouverte initialement pour « destructions involontaires par l’effet d’une explosion ou d’un incendie » à « mise en danger d’autrui ». Me Jonas Haddad, avocat de Rouen, a déclaré avoir été sollicité par plusieurs personnes, mais aussi par des entreprises, et s’attend «à une centaine de plaintes ». Toujours sur le plan de suites judiciaires possibles, le p.-d.g. de Lubrizol France, Frédéric Henry, s’était dit, vendredi, « très étonné de voir un incendie qui se déclare en pleine nuit, dans un endroit où il n’y a personne ». Ce qui pourrait laisser penser que l’entreprise ellemême envisage de déposer une plainte.
● Un appel à manifester
Demande de transparence Plusieurs riverains, associations ou syndicats faisaient toujours part de leur inquiétude ou de leur colère hier. Plusieurs syndicats, dont la CGT et Solidaires, mais aussi des associations écologistes (Greenpeace, France Nature Environnement) ont appelé à manifester mardi à 18 heures devant le palais de justice, exigeant « une transparence complète ». Dans un communiqué commun, ils regrettent que « la liste des produits qui ont brûlé n’ait pas été communiquée ».
● Verts et gauche veulent une enquête parlementaire
Par ailleurs, plusieurs députés de gauche, dont le numéro un du PS Olivier Faure, ont réclamé l’ouverture «dès la semaine prochaine » d’une commission d’enquête parlementaire.
« Le “Tout va très bien, madame la marquise” est la pire des communications dans ce genre de circonstances. L’incendie de Lubrizol est le plus grave accident industriel depuis AZF en 2001. Le nuage de fumée, les risques de pollution par les suies et les hydrocarbures sont loin d’être anodins », a estimé hier dans Le Parisien l’ex-ministre de l’Écologie Delphine Batho (Génération écologie).
« Ce qui me rassurerait, c’est qu’on lance un protocole de suivi épidémiologique et sanitaire sur la population exposée », a expliqué de son côté sur Europe 1 David Cormand, secrétaire national d’EE-LV et élu de la métropole de Rouen.