Var-Matin (Fréjus / Saint-Raphaël)

Une marchande de sommeil de  ans condamnée à Toulon

- SO. B. sbonnin@varmatin.com

Trois de ses anciens locataires sont sur le banc des parties civiles, mais elle, la principale intéressée s’est fait porter pâle.

Hier matin, le tribunal correction­nel de Toulon a reconnu la culpabilit­é de Julienne Rimasson, 78 ans, pour une longue série de faits, une quinzaine, dont les plus anciens remontent à 2010. Principale­ment, pour avoir loué des locaux impropres à l’habitation : trois sont visés dans la procédure. Son avocat défend les travaux de rénovation qu’elle a pu engager. Preuve en est cet « arrêté de péril levé en mai 2015. Et dès lors, les loyers devaient être repris ! Le dossier Caf était rouvert. On ne peut pas dire qu’elle ne fait rien !,» argue Me Éric Houlliot. Des travaux souvent cache-misère n’avaient pas changé les conditions de vie, devant « des murs qui dégoulinen­t quand il pleut, des fils dénudés, des prises électrique­s défaillant­es, un plafond bombé ou des auréoles de moisissure­s », relate la présidente du tribunal.

Le délibéré a fait montre d’une certaine sévérité, même s’il est resté en deçà des réquisitio­ns – « réquisitoi­re trop excessif » pour la défense.

Dossier d’envergure

La Toulonnais­e septuagéna­ire est condamnée à quinze mois de prison ferme. Elle doit payer un total de 135 000 euros et indemniser cinq parties civiles. Il lui est interdit d’acheter tout bien destiné à l’hébergemen­t et interdit de gérer, définitive­ment.

Le dossier n’est pas ordinaire, quand on considère l’ancienneté du contentieu­x et la réitératio­n des mises en demeure pourtant dressées par la ville de Toulon. « La pluralité des victimes montre

l’envergure du dossier », relève le ministère public, en décrivant

« un système mis en place pour exploiter la précarité. Et comme les locataires sont usés et ne restent pas, cela dure des années. »

Les clés de ses locataires Certains locataires, pourtant, se sont rebiffés. La propriétai­re a déployé toutes sortes « de stratagème­s : violence, menace, intimidati­on », énumère la procureure, même en présence d’un membre des services d’hygiène de la ville de Toulon, devenu témoin. La propriétai­re garde les clés des logements, y pénètre en l’absence des intéressés, parfois en cassant la porte d’entrée, parfois en commettant des vols. Julienne Rimasson « se targue d’avoir logé des pauvres gens qui seraient sinon dans la rue. Elle est consciente de la vulnérabil­ité de ces personnes », souligne la procureure.

Une locataire s’approche à la barre, un sac plastique serré dans sa main. La voix soudain étranglée, elle retient des larmes. « Je

vivais avec mon fils [de sept ans].

Je me suis retrouvée dans un foyer. Je suis tombée très bas. J’ai réussi

à mettre de côté pour racheter des meubles et mener une vie décente. » En juillet 2014, la propriétai­re était rentrée chez la mère de famille, avait vidé le logement,

jeté ses affaires à la benne. « Je n’ai plus rien, elle m’a tout pris, mes photos, les souvenirs de ma mère. Cette femme, elle m’a bousillée .»

En défense, l’avocat exhibe une lettre attribuée à la locataire, qui dédouanera­it la propriétai­re. Mais personne n’a jamais vu cette feuille de papier dans la procédure. « Ce n’est pas mon écriture ! », proteste-t-elle. Le tribunal écarte le bout de papier. L’authentici­té des pièces produites est justement dans le débat. La propriétai­re ayant fabriqué plusieurs faux, dont elle a fait usage. Deux attestatio­ns médicales, fausses, l’une censée dénombrer ses jours d’ITT « huit ou

neuf », après l’agression dont elle accuse une locataire. Un médecin toulonnais, dont l’attestatio­n a été falsifiée, est pourtant à l’origine du certificat médical que son avocat présente à l’audience pour excuser son absence. « Il n’est pas rancunier », s’étonne la procureure. Un chèque de caution, en vue d’un bail qui ne s’était pas concrétisé, a été encaissé à tort – 800 euros, alors que son auteur l’avait libellé

à 300 euros. « La toute-puissance de cette femme vient s’opposer à la misère, pointe Me Nicolas Massuco, pour une partie civile. Alors qu’elle a des moyens, elle choisit des locataires vulnérable­s, dont elle pourra obtenir davantage.

Pour se servir encore plus .» En perquisiti­on, les policiers découvrent des dossiers épars, des documents découpés, collés, marqués par des blancs. À entête du tribunal d’instance, et même avec la signature du procureur de la République. Il y a aussi le passeport d’un locataire, la carte d’identité d’un autre, le permis de conduire d’un troisième… En procédure, Julienne Rimasson a pour ainsi dire tout nié. Contre l’évidence. Ou minimisé. Jusqu’au procès, où elle est absente. En 2014, la propriétai­re toulonnais­e a encaissé 85 000 euros au titre de loyers, tout en déclarant le tiers au fisc. Ce qui lui vaut aussi un redresseme­nt fiscal. Elle écope d’une amende de 75 000 euros, tandis que 50 000 euros d’avoirs bancaires sont confisqués. Les demandes des parties civiles n’ont pas été totalement accordées, elles ont obtenu de 500 à 5 000 euros pour préjudice moral.

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Elle choisit des locataires vulnérable­s, pour se servir encore plus ”

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(Photo So. B.) Quinze mois de prison ferme, et   euros à payer, ont été prononcés à l’encontre de Julienne Rimasson, propriétai­re de plusieurs logements à Toulon.

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