Var-Matin (Fréjus / Saint-Raphaël)

Le retour des légendes de la lutte

Les dernières légendes de la lutte française étaient réunies hier à Saint-Aygulf pour une rencontre amicale. Les souvenirs ont largement alimenté les débats. Nostalgie...

- PHILIPPE MICHON pmichon@nicematin.fr

L’Ange blanc, John Black le puncheur de Harlem, le Buldozzer de Belleville, Ben Chemoul ou encore Chéri Bibi alias le “Bagnard du ring” : ces noms résonnent toujours avec nostalgie dans la tête de nos aînés. C’était pendant l’après-guerre. Une époque où la seule chaîne de télévision diffusait, en noir et blanc, les mythiques soirées de lutte française. Ses combats de catch à quatre, des duels pour hommes forts, portés par les commentair­es du truculent Roger Couderc.

Ces champions aux gueules cassées, aux biceps surdévelop­pés et au poitrail prononcé étaient de véritables légendes du ring. De vrais balaises au sang froid, au regard de puncheur, aux mains d’acier... mais toujours au coeur tendre. Du moins en dehors des rings. Car une fois en tenue, il ne fallait pas s’y frotter au risque de repartir avec quelques fractures en guise de souvenirs.

« À cette époque, la France comptait un peu plus 250 profession­nels. Nous étions parmi les meilleurs technicien­s du Monde avec les Anglais et les Espagnols. Aujourd’hui nous ne sommes plus qu’une soixantain­e d’anciens lutteurs, dont une dizaine installée entre le Var et la Côte d’Azur », confie Bob Plantin, aujourd’hui secrétaire de l’associatio­n des Anciens lutteurs profession­nels retraités ou en activité (ALPRA).

Une fois par an, ces anciennes gloires se retrouvent, comme c’était le cas hier au restaurant La Soupière à Saint-Aygulf, pour un repas. C’est là que, entre la poire et le fromage, chacun refait son combat en disséquant la moindre prise au corps. « C’est toujours comme ça, on refait le match en quelque sorte. Aujourd’hui, nous sommes six anciens pour une moyenne d’âge de 80-85 ans. Le plus jeune d’entre nous va gaillardem­ent sur ses 78 ans… »

Malgré les tempes grisonnant­es et des courbature­s légitimes, tous ont gardé ce fameux “oeil du tigre”. « Nous sommes la 3e génération de lutteurs. Tous issus de la lutte grécoromai­ne. La première a été conduite par Henri Deglane, champion olympique en 1924 à Paris. En 1930, il est parti aux Etats-Unis et a créé la première fédération de lutteurs. La 2e génération a été emmenée par un certain Lino Ventura. C’était juste après la guerre, avant qu’il ne se casse la jambe en 1950 lors d’un combat au Cirque d’hiver alors qu’il venait d’être sacré champion d’Europe. Tous les dimanches, pendant dix ans, je retrouvais Lino au Stade français pour un footing de 10-12 km suivi d’un match de foot. Lui jouait arrière-droit, moi arrière-gauche. Lino Ventura est et restera le parrain de l’associatio­n que nous avons créée, au stade Jean-Bouin en 1986, juste avant sa mort », précise le Raphaëlois Jack Rouxel, l’un des grands amis de l’acteur.

Si la lutte a de tout temps été un sport connu et respecté, il est devenu un véritable spectacle au début des années cinquante grâce à un certain Roger Trigeaud plus connu sous le nom de “Chéri Bibi”. Hier à Saint-Aygulf, son frère, JeanClaude, et l’ensemble des anciens lutteurs présents n’ont pas manqué de saluer la mémoire de ce champion hors-norme.

« Avec René Ben Chemoul et Chéri Bibi, nous avions deux stars qui crevaient le petit écran. La lutte est entrée dans les foyers et devenait plus populaire à chaque retransmis­sion télévisée. » Aujourd’hui, seules quelques photos alimentent la chambre aux souvenirs.

« En lutte amateur, nous ne faisions pas de prise au corps pour ne pas casser. Chez les profession­nels, nous avions des codes. Il ne fallait pas casser l’adversaire au risque d’être pris en grippe, de tomber contre un costaud et de se faire casser un jour ou l’autre. » Mais si on leur demande quels sont aujourd’hui leurs plus souvenirs, ils ls répondent à l’unisson : « Des cassures sur tout le corps ! »

Quant aux lointains cousins américains qui, aujourd’hui, font le show entourés de pom-pom girls : « Ce ne sont pas des lutteurs, mais de simples culturiste­s. Nous, c’était un autre monde... » Et une autre époque. Celle des combats à mains nues qui étaient à la fois virils, durs, mais toujours nobles…

‘‘ Il ne fallait pas casser l’adversaire”

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(Photos Frank Tétaz et DR) Ces lutteurs ont gardé ce punch qui faisait sensation dans les années cinquante.
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Ici, lors de son combat face à Braco, Jack Rouxel (à droite, er à droite sur la photo du haut) en pleine prise au corps. Souplesse, force et technicité étaient les qualités de base pour ces champions des rings.

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