Var-Matin (Fréjus / Saint-Raphaël)
Permis de s’écharper au conseil municipal
Séance du conseil municipal houleuse hier soir. Le projet de l’avenue de Montferrat a encore agité les esprits des élus, les opposants étant réchauffés par la défaite de la Ville devant les tribunaux
Cela fait déjà plusieurs minutes que les débats font rage dans la salle du conseil municipal. Ce qui agite les esprits des élus de la majorité et de l’opposition : l’immeuble de la Cogedim, dont le permis de construire, accordé par la Ville, a été retoqué par le tribunal administratif il y a peu. Voilà que Jean-Daniel Santoni se questionne : « Je n’ai toujours pas compris, Monsieur le maire, si vous étiez pour ou contre la construction de cet immeuble. »
Dans cette interrogation (faussement ?) candide est résumé le dossier d’un bâtiment qui aura fait couler beaucoup d’encre.
Car, pour revenir sur les derniers épisodes, le premier magistrat s’est déclaré « satisfait » de l’issue de la procédure judiciaire.
Qui rappelons-le, actait la défaite de la Ville face au collectif de riverains s’opposant à cette barre d’immeuble de 100 mètres de long pour près de 140 logements.
Francin : « Le projet améliorait l’existant »
Forcément, avant de voter l’Aire de valorisation de l’architecture et du patrimoine (Avap) qui « sanctuarisait » la non-constructibilité du jardin – sur lequel devaient s’ériger les blocs de bétons du promoteur immobilier Cogedim –, les élus de l’opposition n’ont pas manqué de souligner l’ironie de la situation. Alain Macke (FN repenti), d’abord : « Vous avez perdu le procès et le comble est que vous en êtes satisfait. Faut-il en rire ou en pleurer ? » Réponse de Sylvie Francin, adjointe à l’urbanisme, impliquée dans le dossier : « Ce n’est pas nous qui avons fait une erreur dans ce dossier, mais l’architecte des bâtiments de France. En accordant un avis simple, il nous obligeait à signer ce permis de construire. »
Faut-il rappeler les “arrangements” mentionnés à l’époque de la réunion de concertation entre les riverains et la Ville, en octobre 2018 ? À l’époque, Sylvie Francin affirmait que cet avis simple (mais pour le moins sévère) était le bienvenu car il permettait la signature du permis de construire, et ainsi la rénovation de la maison située dans le jardin de la discorde…
Mais les échanges n’en étaient qu’à leurs balbutiements. Car Frédéric Marcel prenait la parole. L’élu déchu de la majorité signalait alors que les travaux préparatifs de l’Avap prédisaient la décision du tribunal administratif. En outre, il ajoutait : « La Commune a déposé un mémoire en référé le 3 septembre 2019 », date du jugement. Prouvant, à ses yeux, que l’équipe municipale avait encore, à ce moment, l’esprit combatif pour remporter la procédure. Deux semaines plus tard, le maire annonçait un revirement d’opinion assez spectaculaire.
C’est donc rangés derrière cette volonté de se satisfaire de la défaite de la Ville que les tous les élus de la majorité écoutaient les débats. Tous ? Non. Sylvie Francin, elle, profitait de la tribune pour défendre une nouvelle fois un projet «qui permettait l’augmentation de la largeur des trottoirs », un projet «qui améliorait l’existant ». Durant ces dialogues, Richard Strambio n’a pas manqué d’intervenir, relevant par exemple que «depuis 1989, le Plan d’occupation des sols prévoyait la possibilité de construire ici un immeuble en R + 5 ». « Et personne ne s’y est opposé à l’époque », ajoutait-il, le regard dirigé vers Jean-Daniel Santoni, siégeant au conseil de l’époque. C’est ce dernier qui prenait enfin la parole : « Monsieur le maire, vous avez fait défendre le projet par votre adjointe. De plus, vous n’avez pas préempté le site alors que c’était possible, notamment en sollicitant l’Établissement public foncier Paca (EPF). L’instruction de ce dossier devant le tribunal, c’est vous aussi. Alors si vous étiez pour cet immeuble, et c’est votre droit, il faut le dire. »
Réponse de l’édile : « Pour saisir l’EPF, il faut un projet, et nous n’avions pas le temps d’en produire un. De plus, on nous demande de densifier le centre-ville, et s’il y a une raison juridique pour le faire, c’est que l’on aurait pris une amende à refuser le permis de construire. » Force est de constater que le tribunal administratif a trouvé une raison juridique suffisamment solide pour le refuser.
Face à tous ces échanges parfois houleux, un homme, Jean-Daniel Santoni, continuait de réclamer une réponse à sa question : « Mais alors, vous étiez pour ou contre cet immeuble ? » De réponse il n’y aura pas. Et puis, de toute façon, l’histoire est bouclée. Mais quelle histoire !