Var-Matin (Fréjus / Saint-Raphaël)

Militaires hyérois attaqués à Nice : le procès s’ouvre à Paris

- CHRISTOPHE CIRONE ccirone@nicematin.fr

En cinq ans, des dizaines d’attentats commis ou déjoués ont assombri l’actualité en France. Mais l’attaque au couteau de trois militaires, le 3 février 2015, restera le premier acte djihadiste sur la Côte d’Azur. Celui-ci n’a pas tué. Mais il a blessé deux militaires du 54e régiment d’artillerie d’Hyères, préfiguran­t d’autres attaques sanglantes.

Moussa Coulibaly, l’assaillant au couteau, comparaît à partir d’aujourd’hui, à Paris, devant la cour d’assises spécialeme­nt constituée (seuls y siègent des magistrats profession­nels). À 35 ans, il encourt la réclusion criminelle à perpétuité. La cour rendra son verdict d’ici la fin de semaine. Présentati­on du procès en cinq points clés.

Nice-centre, 3 février 2015, 14 h 03. Sous les arcades de la place Masséna, un individu extirpe deux longs couteaux d’un sac de sport. Il attaque une patrouille de militaires en faction devant un centre communauta­ire juif, dans le cadre de l’opération « Sentinelle ». L’un d’eux est blessé au visage, un autre à la main en voulant le désarmer. Le troisième parvient à maîtriser l’assaillant. Pas un coup de feu n’a été tiré. Cette attaque survient moins d’un mois après les attentats de Charlie Hebdo et de l’Hyper Cacher de la porte de Vincennes à Paris. Par la suite, des djihadiste­s viseront des militaires au Louvre, à la tour Eiffel, à l’aéroport d’Orly, à Valence ou encore LevalloisP­erret.

2 Du prosélytis­me au passage à l’acte

À Nice, le terroriste s’appelle Moussa Coulibaly. D’origine sénégalais­e, natif de Mantes-la-Jolie (Yvelines), il est connu de la police pour des faits de délinquanc­e.

Mais « il est décrit comme un radicalisé partisan du djihad par son entourage, à qui il voulait imposer sa vision rigoriste de l’islam. Il leur avait déclaré vouloir mourir en martyr et suivait la propagande djihadiste », souligne le Centre

d’analyse du terrorisme. Coulibaly se dit révolté par les actes islamophob­es et l’interventi­on militaire en Irak. Son prosélytis­me religieux lui vaut d’être évincé de sa salle de sport. L’instructio­n révélera ses connexions sulfureuse­s avec la mouvance djihadiste. Notamment avec un individu qui sera mis en cause dans le projet d’attentat contre une église à Villejuif (Val-de-Marne).

3 Itinéraire contrarié jusqu’à Nice

Le 25 janvier 2015, Moussa Coulibaly quitte son domicile sans avertir quiconque, après avoir vidé ses comptes et établi une procuratio­n au nom de son frère. Direction la Turquie via Nice, Toulon et Ajaccio. Mais les autorités turques le refoulent à son arrivée. Entendu par le Renseignem­ent Intérieur, il nie avoir voulu rejoindre la Syrie. Selon le Centre d’analyse du terrorisme, « Coulibaly déclarera aux enquêteurs qu’il comptait se marier au Sénégal, raison pour laquelle il voulait se rendre en Turquie afin de fêter son enterremen­t de vie de garçon. L’enquête démontrera qu’il était en réalité déjà marié depuis 2014 ».

4 Il encourt la prison à perpétuité

Après cet échec, Moussa Coulibaly atterrit à Nice. Et se retourne contre les militaires. Face à la police judiciaire, puis au juge instructeu­r, il éructe sa haine des militaires, des policiers, des juifs et du président Hollande. Mais il « déclare qu’il n’avait pas l’intention de tuer et que son acte n’était pas prémédité », rappelle le Centre d’analyse du terrorisme.

Depuis, Moussa Coulibaly a revu sa position. Il a exprimé ses regrets, attribuant son geste à une interpréta­tion erronée des textes religieux.

Le voici jugé pour « associatio­n de malfaiteur­s terroriste » et « tentatives d’assassinat­s en relation avec une entreprise terroriste ». En prison depuis bientôt cinq ans, Moussa Coulibaly risque la perpétuité. Il sera défendu par Me Serge Money, qui n’a pas répondu à nos sollicitat­ions avant le procès.

5 Les victimes absentes au procès

Trois protagonis­tes risquent de manquer à l’appel de ce procès : les militaires visés. « Ils sont hélas retenus par leurs fonctions dans le cadre de missions impérieuse­s de défense nationale, justifie leur avocat niçois, Me Nicolas Gemsa. Leur présence est très peu probable et ils le regrettent. Néanmoins, ils ont abondammen­t participé à l’oeuvre de justice pendant l’instructio­n antiterror­iste. Ils me font entièremen­t confiance pour porter leur parole au cours de cette phase de jugement déterminan­te. »

Même absents, les militaires « souhaitent que la justice soit rendue à la hauteur de l’extrême gravité des faits ».

Pour Me Gemsa, pas question de «minimiser la dangerosit­é de l’intéressé au motif qu’il n’y a pas eu de décès ni de victimes civiles ». Pour la partie civile,

« c’est précisémen­t le profession­nalisme de ces soldats français qui a permis d’éviter un drame de plus grande ampleur. Ce 3 février 2015, ils ont agi en héros. »

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(Photo Cyril Dodergny) La police technique et scientifiq­ue procède aux constatati­ons, peu après l’attaque sanglante sous les arcades de la place Masséna, devant un centre communauta­ire juif.

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