Var-Matin (Fréjus / Saint-Raphaël)
L’aidant de la mer
PÊCHE ET AIRES PROTÉGÉES DANS L’EST-VAR
C’est un touche-à-tout aux multiples casquettes. Ex-adjoint au maire de Saint-Raphaël, Christian Decugis, 61 ans, est aujourd’hui à la fois président du Galpa (Groupe d’action locale pêche aquaculture) Estérel Côte d’Azur, de l’un des onze groupes français gérant un FEP (Fonds européen pour la pêche), ainsi que de l’Apam (Association pour la pêche et les activités maritimes) (lire ci-dessous) depuis 2009. Pêcheur professionnel depuis 1980, il a toujours eu à coeur de défendre différents projets en lien avec son métier, l’aquaculture et l’environnement marin.
Il y a peu, c’est avec cette casquette de président de l’Apam qu’il a rencontré Caroline Roose, député européenne, membre de la commission en question, pour discuter de pêche durable et des aires marines protégées en Méditerranée. Avec l’agriculture, la pêche est le seul domaine géré directement par Bruxelles. Au pied de la réserve marine du cantonnement de pêche du cap Roux, à Saint-Raphaël, le lieu était idéal pour des échanges fructueux...
Où en est-on des projets que vous portez ?
Dans le cadre local de l’Apam, sur la programmation -
– les fonds européens sont répartis sur des plans pluriannuels – on a financé jusqu’à présent, sur tout le littoral varois, trois millions d’euros de projets. Ici, dans l’Est-Var, on a financé plusieurs choses : l’équipement de tout le sentier du littoral avec QR-codes pour avoir toute l’information maritime dans des sites classés où l’affichage est difficile ou encore d’autres projets sur le cantonnement de pêche du cap Roux : surveillance par les pêcheurs, balisage, information... Avec la Cavem, un observatoire marin doit aussi bientôt voir le jour, pour faire évoluer la vision maritime, voire peut-être agrandir des zones de protection.
Avec la ville de Saint-Raphaël, on a aussi un nouveau projet pour préserver l’environnement, mais on en reparlera quand ce sera finalisé. À l’Apam, on est également investis sur des projets de recyclage de vieux filets de pêche. On travaille avec les industriels pour recycler ces matières qui, aujourd’hui, partent hélas en déchets. En aquaculture, on a l’ambition de mettre en place un aliment, des granulés à base de protéines d’insectes, pour remplacer les farines de poisson et les granulés issus de poissons sauvages pour nourrir les poissons d’élevage. C’est une voie prometteuse.
En résumé, vous faites le trait d’union entre pêche et développement durable ?
Tout à fait. On essaie de mettre en place des dispositifs et des projets qui servent à la fois aux pêcheurs et aux poissons. Le nouveau plan pluriannuel va jusqu’en , et il reste encore des fonds pour financer des projets.
D’où votre rencontre avec la députée européenne pour discuter de l’utilisation de cet argent ?
Oui. L’Europe permet, au sein du réseau appelé “Farnet”, et qui rassemble plus de groupes dans l’UE dont le nôtre, d’échanger les expériences de chacun et de voir où les projets marchent pour les copier. On a reçu des pêcheurs estoniens il y a quelques mois par exemple. Les transferts de compétence sont primordiaux et permettent à tous d’être meilleurs grâce aux autres.
Ça tord le cou à l’idée qui veut que toutes les décisions se prennent dans des bureaux, à Bruxelles, sans que la base ne soit consultée...
On oublie que l’Europe finance beaucoup de choses, à travers tous les territoires. Elle aide à mettre en place sur le terrain une approche du “bas” vers le “haut”. On est loin de l’idée qu’on entend parfois, comme quoi on nous impose des choses.
C’est la raison pour laquelle cette députée est venue ici ?
Oui, elle doit rendre un rapport sur les aires marines protégées. On est allés au cap Roux avec cette député franco-belge pour discuter, à bâtons rompus, des bons et des mauvais côtés et des problématiques qu’on retrouve sur ces aires marines protégées, qui est un outil, parmi d’autres, pour améliorer la ressource en poissons.
Et comment se comporte cette aire protégée, au cap Roux ?
Ce n’est pas le saint Graal, mais c’est assez efficace. On y constate ce que les scientifiques appellent « l’effet réserve » : on a davantage de poissons et ils sont plus gros. Reste à savoir si cela bénéficie aux alentours, si ces poissons se déplacent ou s’ils restent cantonnés à ce périmètre... Pour cela, des études doivent être menées.
Grâce au réseau européen, sait-on où on se situe par rapport aux autres ?
On a participé à un projet inter régions européennes avec dix autres aires marines protégées, de l’Espagne à la Grèce. Nous apprenons chacun les uns des autres pour améliorer nos réserves, et ce qu’a constaté la députée européenne.
Que vous a-t-elle dit ?
Elle est consciente que l’avenir de la pêche, en particulier en Méditerranée, appartient à des petits bateaux, et non pas à des chalutiers de mètres.
On a l’assurance que l’Europe veut bien privilégier des fonds pour les petites structures localement, plutôt que les confier aux gros entrepreneurs ?
En effet, l’idée est de préserver la petite pêche côtière grâce à l’Europe. Surtout ici : il y a un tissu social et patrimonial typique de la Méditerranée. D’ailleurs des collègues m’ont dit hier : “Ton petit bateau de pêcheur est plus photographié par les touristes que nos voiliers qui valent cher” ! Pour résumer, l’Europe donne un but à atteindre, mais n’impose pas un chemin pour y aller. Ce sont les états qui déterminent ces chemins. En fin de compte, il y a plusieurs moyens d’arriver au même endroit... Et à ce jeu, les petits pêcheurs ne sont pas gâtés.
‘‘ Ce n’est pas l’Europe qui bloque. C’est plutôt au niveau national que ça coince !”
C’est-à-dire ?
L’État français a une vision, celle de réduire le nombre des petits bateaux pour avoir plutôt quelques gros, afin de gérer le milieu plus facilement. Alors que c’est une vision inverse au niveau de Bruxelles. L’ancien commissaire européen à la pêche est un Maltais, donc méditerranéen, il sait qu’ici, ce sont les petits qui comptent.