Var-Matin (Fréjus / Saint-Raphaël)
Criblé de plombs, un hibou grand-duc meurt de faim
Un grand-duc d’Europe a été victime d’un tir illégal début janvier, avant de lentement agoniser, incapable de se nourrir. Des procédures juridiques ont été engagées
Bête et gratuit. Alors que l’espèce est protégée, un hibou grand-duc a été victime d’un tir illégal le 6 janvier dernier, dans la commune de Saint-Tropez. Une vingtaine de plombs ont été découverts dans le corps, les ailes et la tête de ce pauvre animal. Cloué au sol et incapable de se nourrir, le beau rapace a agonisé longtemps, avant d’être découvert sur le bord de la route.
Après l’avoir transporté dans un premier temps à la clinique vétérinaire de Gassin, des bénévoles ont tenté de l’acheminer dans la clinique partenaire du Dr Franck Dupraz, à Saint-Maximin, mais l’oiseau n’a pas survécu au trajet.
Trois fractures à l’aile
Examiné par le vétérinaire saintmaximinois, le grand-duc était dans un piteux état, comme le relate ce spécialiste : « Il était rachitique, dépourvu de muscles et de graisse. Un grand-duc pèse normalement autour de 3 kg. Celui-là ne faisait même pas le tiers de son poids. J’ai trouvé du plomb dans sa tête, son thorax, ses ailes. J’ai constaté une triple fracture sur l’aile gauche. Les images radiographiques ont aussi montré des cals osseux qui prouvent que ses blessures dataient d’au moins deux semaines. Il n’avait aucune chance de survivre dans cet état-là ».
Très remonté, le vétérinaire parle d’un acte volontaire : « D’après mes constatations, il ne peut s’agir d’un accident. On ne peut confondre un grand-duc avec un autre animal. Son aspect est très spécifique Vu le nombre d’impacts de plombs, il a forcément été visé. ».
Ce constat est partagé par le centre de sauvegarde de la faune sauvage de Buoux (84) : « C’est un animal nocturne. À moins de chasser la nuit sans visibilité, le hasard n’a pas de place dans cet incident. Nous sommes convaincus qu’il s’agit d’un acte malfaisant ». Une conclusion confortée par la fréquence des espèces protégées retrouvées plombées : « Nous en sommes à six depuis le début de la saison de chasse, surtout des diurnes. C’est d’autant plus dommageable qu’on est en phase de reproduction. Si le rapace était en couple, c’est fichu pour le reste de l’année. Cela peut aussi signifier la raréfaction de cette espèce dans le secteur où il a été trouvé. » souligne le Dr Dupraz.
Plainte contre X
Cet acte et les cinq autres perpétrés dernièrement correspondant à la période de chasse, ce sont bien ses adeptes qui sont dans le viseur de la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO) de Paca. Laurent Faudon, le vice-président de la société de chasse du Var et président de la Diane fraxinoise ne le conteste d’ailleurs pas : « Il y a malheureusement de fortes chances qu’il s’agisse d’un chasseur. J’en profite donc pour rappeler avec la plus grande fermeté que la fédération ne cautionne pas ce genre de pratique. C’est de la bêtise humaine. Si on prend une personne sur le fait, son permis lui est retiré immédiatement et il fait l’objet d’une amende salée. Nous travaillons beaucoup à changer l’image de la chasse. De ceux qui font n’importe quoi. À cause de ces gens-là, on nous tombe dessus constamment ». Ce représentant des chasseurs ne croit pas à l’hypothèse de « l’élimination d’un concurrent chassant le même gibier »:« Je n’ai jamais vu un grand-duc s’attaquer à nos cibles ». Ce dernier rappelle enfin qu’« un arrêté préfectoral est édité à chaque ouverture de la chasse, répertoriant les espèces protégées ». Même si, deux semaines après les faits, les chances de trouver l’auteur de cet acte cruel sont faibles, la LPO Paca a fait une déclaration auprès de l’ONCFS (office national de la chasse et de la faune sauvage). Doté de l’attestation du vétérinaire, l’organisme déposera ensuite une plainte contre X auprès du procureur. Procureur qui mènera l’enquête en relation avec l’office français de la biodiversité (OFB).