Var-Matin (Fréjus / Saint-Raphaël)
Alexandre Debanne toujours dans la course
L’ancien animateur participe à l’Africa Eco Race, un rallye parti de Monaco en direction du Sénégal. Organisateur du Raid Amazones, il reste un passionné de voyages et de belles mécaniques
Il a marqué une génération de téléspectateurs. Dans les années 1990, Alexandre Debanne, biberonné à la radio, est l’une des figures montantes du paysage audiovisuel français. Son visage au teint hâlé apparaît dans la petite lucarne à l’heure des Vidéo Gag et autres Roue de la Fortune. L’homme est prometteur, charismatique et d’aucuns lui promettent un avenir radieux dans le milieu. Un grave accident de moto, en 1996, vient stopper l’ascension. Un mal pour un bien, dira-t-il plus tard. Alexandre Debanne se focalise sur les choses simples de la vie, ses passions : le voyage et les sports. Il ne reviendra d’ailleurs à la télévision que pour animer des émissions en lien avec celles-ci. Créateur du Raid Amazones en 2001 et amateur de rallyesraids (1), le presque sexagénaire pilote un buggy Canam X3 turbo, estampillé Atlas for Men : 175 chevaux sous le capot et 700 kg à la balance pour engloutir plus de 6 000 bornes entre Monaco et le lac Rose au Sénégal.
À quoi doit-on votre participation à l’Africa Eco Race ?
Le patron d’Atlas for Men ,une marque de prêt-à-porter masculin, m’a contacté pour que je participe à quelque chose pour communiquer sur la marque.
Ils sont déjà partenaires du Raid Amazones que j’organise.
Leur slogan, c’est : « Taillé pour l’aventure ». Alors, j’ai proposé l’Africa Eco Race. Ce genre d’aventure permet de se vider la tête, de vivre intensément l’instant présent. On est deux, il y a un bivouac, de l’entraide. C’est tout ce que j’aime.
Qui partagera le baquet avec vous ?
Patrick Lardeau, l’ancien patron de Toyota France Compétition. C’est un Mozart de la mécanique. Il a été mon copilote sur plusieurs rallyes-raids et fait partie de mon équipe sur le Raid Amazones depuis plusieurs années. Humainement, ça colle entre nous. C’était la condition sine qua non.
Le désert est magnifique mais il sait être hostile. Comment se préparer à une telle aventure de kilomètres ?
J’ai dormi et je me suis reposé quinze jours en Italie [rires] .Cefut ma principale préparation. Je sors de trois années difficiles sur le plan mental et physique avec le Raid Amazones. J’étais sur les rotules, au bout du rouleau. De part mes expériences passées, j’ai pas mal roulé dans le sable. On roulera dans un buggy. C’est très léger. J’ai pu le tester, c’est un bonheur sans nom. On a l’impression de faire du snowboard dans la neige. C’est facile donc dangereux. Il faut éviter d’arriver trop vite en haut des dunes. Sinon, c’est un tonneau par l’avant. Ça va changer des véhicules de deux tonnes où vous transpirez au moment d’attaquer une dune.
En quoi vos expériences au Dakar ( et ) pourront vous être utiles pour l’Africa Eco Race ?
J’ai appris qu’il est essentiel de ne pas se précipiter. Je venais du circuit quand j’ai participé à mon premier Dakar. On a eu beau me prévenir, dès que j’avais un concurrent devant moi, j’essayais de le doubler. J’ai abandonné au
e jour car j’ai trop sollicité la mécanique, il s’agit d’être malin, de ne pas rouler à %. René Metge (pilote) disait que la mécanique a une mémoire. Si on charge trop sur les pistes rapides et caillouteuses, c’est plus tard que la machine peut lâcher. Le but est d’arriver au lac Rose au Sénégal. Je ne pars pas du tout avec l’optique de gagner. Il faut être stratège, il faut attendre le bon moment pour attaquer. Une panne c’est plusieurs heures de perdues.
La notion d’entraide est prépondérante dans ce type de rallye-raid ?
Je rends grâce à ces mecs géniaux, René Metge et Jean-Louis Schlesser, qui ont su garder ces valeurs-là. Lors de l’Africa Eco Race, quand quelqu’un est en difficulté, on s’arrête pour demander si tout va bien et si on peut donner un coup de main. Dans d’autres rallyes-raids, on se dirait plutôt
« un de moins » C’est l’époque qui veut ça. Le profil des participants à l’Africa Eco Race, ce sont des quadragénaires, des gens qui ont certaines valeurs. Je ne veux pas jouer au vieux con et dire que c’était mieux avant. Mais les valeurs de base ont déguerpi. Cela explique peut-être le mal-être qu’on vit dans notre pays en ce moment.
À propos du Raid Amazones que vous avez créé en , vous aviez une formule à propos des participantes…
« Ces “Madame tout le monde”, ce n’est pas n’importe qui, c’est juste qu’elles ne le savent pas encore ». Elles ont horreur quand je dis ça. J’ai voulu cette manifestation accessible, que les filles qui viennent participer se rendent compte du potentiel qu’elles ont. En , à la création, tout le monde me regardait comme un ovni. Pourtant, elles ont un mental incroyable. On est des petits garçons à-côté. Je lis ça dans leur regard. Elles me témoignent aussi de l’impact que ces six jours d’aventure ont eu dans leur vie. Elles ont conscience que la compétition s’arrête où l’humanité reprend ses droits. Une fille tombe, les autres s‘arrêtent. J’ai vu de beaux gestes.
En quoi votre grave accident de moto, en , a changé le cours de votre vie ?
Quand je suis retourné à TF, ils m’attendaient tous pour me proposer la farandole des desserts. J’ai décidé d’arrêter la télé, ce n’était pas ma vie. Contrairement à la radio, je suis tombé dessus par hasard. Faisant partie de la génération de Laurent Boyer, Nagui, Christophe Dechavanne, je me suis retrouvé dans des émissions, à faire des choses qui, malgré l’argent et la notoriété, ne me satisfaisaient plus. Je ne prenais aucun plaisir. Je ne crache pas dans la soupe et ne regrette rien. L’accident a été un déclic dans le sens où cela a donné la création du Raid Amazones. Avec un message : on a qu’une vie et il est urgent d’en profiter.
D’où vous vient ce goût immodéré du voyage ?
Je suis né à Melun [rires] .Jesuis motard, j’ai travaillé l’été pour payer ma moto. J’ai sillonné la France pour faire les saisons. J’ai traversé des paysages magnifiques, je respirais à pleins poumons les foins, la pluie qui venait de tomber sur l’herbe coupée. C’était une sensation de liberté. Je continue d’ailleurs à faire de la moto.
Que retient-on du voyage quand on le pratique assidûment ?
Quand je reviens dans mon pays, je me dis que la France est un paradis où les gens vivent en enfer. J’ai la sensation de vivre en dictature. On n’a plus le droit de rien dire, on doit rouler à moins de sinon on est un grand délinquant, on privatise les contraventions. C’est une dictature qui ne dit pas son nom. On n’est plus une démocratie depuis longtemps. J’aime la vie et les choses doivent se faire simplement. Au Cambodge et au Vietnam, la circulation est dingue. Pourtant tout le monde se respecte, le klaxon est utilisé pour se prévenir. C’est ça sur la route et dans la vie. On respecte les anciens, cela redonne confiance en l’espèce humaine. En France, il y a un égocentrisme généralisé. On n’a plus conscience des privilèges. Le voyage donne cette ouverture d’esprit. Avec mon fils de ans, on a fait plein de voyages à moto. En Inde, il a vu des mômes de son âge travailler dans les rizières, qui ne vont pas à l’école. Il a pris conscience.
Vous disiez avoir vécu l’âge d’or, une époque bénie pour la planète. Avez-vous vu la situation se dégrader ?
Quand on a vécu ces aventures, on a envie de prendre soin de la Terre. On est tous sur la même planète. Tant qu’il n’y a pas de cohésion mondiale, tant qu’on n’aura pas convaincu les autres de faire attention, on n’avancera pas. Si on veut vraiment agir, c’est une guerre, c’est un vrai combat, il faut essayer de contraindre les grands pollueurs. La seule solution, c’est que le green devienne un vrai business, que ça fasse gagner de l’argent. Et la planète redeviendra verte en un claquement doigt.
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C’est facile donc dangereux”
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J’ai la peur de décevoir”
Se rendre utile est-il chronophage, selon vous ?
Oh oui, ça use beaucoup et, parfois, on s’oublie soi-même. Mais c’est extrêmement gratifiant. C’est une sensation qui vous remplit. Il faut que je pense à un autre mode de fonctionnement, il va falloir que cela change, que je m’organise différemment. C’est-à-dire être moins au four et au moulin, que j’arrive à déléguer à des gens sur lesquels je puisse compter. En réalité, j’ai la peur de décevoir, c’est un vrai stress qui me réveille les matins. On peut décevoir car tous les paramètres de l’équation ne dépendent pas de soi. 1. Deux Dakar, rallyes du Maroc et de Tunisie, deux Désert Express au sultanat d’Oman.