Var-Matin (Fréjus / Saint-Raphaël)

HENRI NEGRESCO DISPARAISS­AIT

Après avoir construit le plus célèbre palace de Nice sur la promenade des Anglais, il fut ruiné par la Grande Guerre puis attaqué en justice par son ex-complice, l’architecte Édouard-Jean Niermans

- ANDRÉ PEYRÈGNE nous@nicematin.fr

Àquoi pensait-il, Henri Negresco, au soir de sa vie, au 74 de l’avenue des Champs-Élysées à Paris ? C’est là qu’il mourut il y a cent ans, le 14 mai 1920. Revoyait-il la splendeur du palace qu’il avait construit sur la promenade des Anglais à Nice ? Songeait-il à sa fastueuse inaugurati­on, le 4 janvier 1913, en présence de sept têtes couronnées ? Rêvait-il à ces milliardai­res qu’il avait accueilli sous les 17 000 cristaux de son lustre de Baccarat ? Se rappelait-il ces vieilles aristocrat­es qui foulaient de leurs souliers vernis le tapis à 300 000 francs sous la verrière Belle Époque ? Pensait-il à sa fabuleuse ascension de fils d’aubergiste roumain devenu l’un des hôteliers les plus célèbres du monde ? (Son nom était Negrescu à l’origine). À l’âge de 50 ans, il était ruiné. Le désastre de la Grande Guerre était passé par là.

Le conflit mondial s’était déclenché 19 mois à peine après l’inaugurati­on de son hôtel. Malgré les bénéfices considérab­les qu’il avait réalisés au cours de la première saison, les dettes accumulées lors de la constructi­on et de l’ouverture de l’établissem­ent n’étaient pas près d’être remboursée­s.

La crise financière internatio­nale était là – même si les Années folles répandaien­t leur insoucianc­e, au son des rythmes du jazz.

Les grandes fortunes qui faisaient la clientèle des palaces avaient fondu.

Transformé en hôpital militaire

Pour pouvoir redevenir un palace, l’hôtel, qui avait été transformé en hôpital militaire pendant la guerre, devait être remis à neuf. Durant le conflit, il avait accueilli des blessés venus du front par wagons entiers. Dans les couloirs, les chambres et les halls destinés à l’accueil des touristes fortunés, s’étaient entassés les lits des soldats mutilés. Lui-même, Henri Negresco, avait assuré pendant cette période, avec sa fille, l’intendance du lieu. Au cours de la dernière année de sa vie, Henri Negresco accumula les tourments judiciaire­s. Son complice d’autrefois, avec lequel il avait partagé l’aventure de la constructi­on de l’hôtel, l’architecte Édouard-Jean Niermans, se retourna contre lui. Il en souffrit beaucoup. Niermans réclamait de l’argent aux deux sociétés dans lesquelles Negresco était impliqué : la Société immobilièr­e de la Côte d’Azur, propriétai­re du bâtiment, et la Société Negresco, gérante de l’hôtel. Les sommes atteignaie­nt trois millions de francs.

Il accepta de vendre son bien à la société belge Marquet

Henri Negresco se trouvait à bout de force. Il tomba malade. Il s’agissait d’un cancer. Il devait faire face à la fois aux frais d’hospitalis­ation, au remboursem­ent des dettes et à la rénovation de l’hôtel. Il n’y arrivait plus. Il n’avait qu’une solution – mais il savait qu’il en mourrait –, se séparer de ce qui avait été son oeuvre, son succès, sa gloire, sa raison de vivre : son hôtel. En 1920, il accepta de vendre son bien à la société belge Marquet, propriétai­re d’autres hôtels à Madrid, Saint-Sébastien et Bruxelles. Il disparut peu de temps après. On l’enterrera au cimetière des Batignolle­s à Paris.

Sur la promenade des Anglais, son nom continue de briller en lettres lumineuses sur le fronton de son palace. Il rappelle qu’il a été l’un des plus célèbres hôteliers du monde.

La fabuleuse ascension d’un fils d’aubergiste roumain devenu l’un des hôteliers les plus célèbres du monde.

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(DR) #2 . Henri Negresco, né Alexandru Negrescu, a vu le jour le  mars  à Bucarest, en Roumanie. . Le Negresco au début du XXe siècle, joyau de la promenade des Anglais.
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