Var-Matin (Fréjus / Saint-Raphaël)
L’argent des autres
Tous les sept jours, la rédac’ passe à la moulinette le meilleur du pire de l’actualité de la semaine
Chaque samedi, la rédac’ de Varmatin refait les sept derniers jours d’un oeil neuf et aiguisé. Avec l’actualité locale comme terrain de jeu, nos journalistes se livrent à un décryptage volontairement subjectif. Un “(dé)blocnotes” pour que rien ne puisse vous échapper…
ou mai : compatible… pas ?
Pendant longtemps, Frédéric Masquelier s’est présenté comme un maire « Macron-compatible ». Libéral, certes, et fidèle à son parti d’attache – Les Républicains. Mais le premier magistrat de Saint-Raphaël n’hésitait pas à citer en exemple l’attitude ouverte, intelligente et pragmatique de son homologue niçois Christian Estrosi. Par l’intermédiaire de la “marcheuse” Patricia Hauteur, il a même tenté d’obtenir le soutien de LREM avant les municipales. (1) Sauf que ça, c’était avant. Avant la crise du coronavirus. En prononçant son discours d’investiture, le maire tout juste réélu a habillé la Macronie pour l’hiver – ce qui, au coeur du printemps, n’était pas un mince exploit.
« Cette crise a montré les faiblesses d’un État bureaucratique engourdi dans un fonctionnement contraint de normes, de principes et d’intérêts, a martelé l’édile. Un État qui a du mal à dire la vérité, qui [...] ignore trop souvent les plus méritants, les plus travailleurs, ceux qui sont en première ligne. Un État qui n’a même pas vu que son hôpital était malade. »
Même David Rachline, pourtant souvent mordant vis-à-vis du gouvernement, n’a pas eu des mots aussi durs après son élection !
Puis Frédéric Masquelier a rendu hommage à « la capacité d’adaptation des collectivités locales » et, plus encore, à l’initiative individuelle. Articulant son propos selon une rhétorique, disons-le, un brin manichéenne.
Le temps dira ce qui, dans les décisions de l’État, relevait de l’ignorance ou de la dissimulation. Nul doute qu’il y a eu des failles. Et, peut-être, des mensonges. Mais il faut se garder des jugements à l’emporte-pièce, alors même que la parole des politiques est de plus en plus décrédibilisée aux yeux de l’opinion. Parfois injustement. Jusqu’à présent, les maires échappent à ce désamour. Ils devraient s’abstenir de souffler sur les braises, quand l’incendie menace de brûler notre maison commune.
du mai : le cadeau chef
« C’est un geste scandaleux ! » La phrase est crachée, l’indignation au bord des lèvres, par Julien Poussin. L’élu d’opposition annonce qu’il votera contre. Et c’est tout. La délibération N° 5 du premier conseil municipal de la mandature, à Fréjus, est adoptée. Elle prévoit que le maire touchera désormais, à titre « d’indemnités de frais de représentation » ,une«enveloppe » de 800 € mensuels. Cette prime nette s’ajoute aux émoluments fixés par la loi : 5 989,67 € brut (2).
Ce bonus est-il, selon le mot de l’édile Insoumis, « scandaleux » ? En tout cas, il n’est pas illégal. Ni exceptionnel. Frédéric Masquelier,
dans la ville voisine, perçoit une indemnité équivalente (3). Toutefois, deux éléments peuvent justifier le mouvement d’humeur de l’opposition (4). D’abord le fait que cette gratification n’existait pas sous la mandature précédente. C’est donc, bel et bien, une augmentation que s’octroie David Rachline. Et il a fait ce choix dans un contexte particulier. Le premier magistrat l’a parfaitement dessiné dans son discours d’investiture. Évoquant les initiatives prises par la Ville pour soutenir l’économie locale, il a annoncé la couleur : « Ces mesures ont un coût [...] qui s’ajoute à la perte importante de recettes que nous allons connaître. Cela va avoir un impact de plusieurs millions, cette année, et sans doute dans les deux prochaines. [...] Nous sommes en train de revoir profondément notre projet de budget. »
Or, il est délicat de dresser un tableau sombre – mais réaliste – des perspectives économiques, laissant entendre qu’il faudra faire des sacrifices, puis de s’accorder à soi-même, aux frais du contribuable, un cadeau de 57 600 € sur toute la durée du mandat.
1. Le mouvement présidentiel lui a préféré la candidature de Sandrine Hacquard.
2. Le maire perçoit exactement 4 278,34 plus 15 % (641,75 ) de « majoration chef-lieu de canton », plus 25 % (1 069,58 ) de « majoration station de tourisme ». Chacun des dix-sept adjoints touche 2 107,20 brut ; les conseillers municipaux de la majorité reçoivent 272,23 Les neuf conseillers de l’opposition ne reçoivent aucune rémunération.
3. Précisons que la rémunération principale du maire de Saint-Raphaël, cependant, est moins élevée : 3500,46 brut. Ceci en raison, notamment, de la taille de la ville qui compte moins de 50 000 habitants.
4. Les trois autres groupes d’opposition se sont abstenus, jugeant cette prime inappropriée.