Var-Matin (Fréjus / Saint-Raphaël)
P.-E. Pommellet : « Naval Group est un navire solide »
Leader européen de l’industrie navale de défense, Naval Group n’a pas échappé à la crise sanitaire. La tempête passée, l’entreprise est en passe de retrouver une activité quasi normale
Au moment de s’asseoir dans le fauteuil de président-directeur général de Naval Group, Pierre-Éric Pommellet avait sans doute rêvé d’un meilleur contexte. Nommé le 24 mars dernier à la tête du géant européen de l’industrie navale de défense, le remplaçant d’Hervé Guillou est arrivé en pleine crise sanitaire du coronavirus. Après deux mois passés à faire la tournée des sites de l’entreprise (dont ceux de Toulon, Ollioules et Saint-Tropez), mais surtout à trouver des solutions pour maintenir tant bien que mal l’activité, Pierre-Éric Pommellet s’est adressé pour la première fois à la presse en cette fin de semaine. Signe des temps : c’est à une conférence téléphonique que les journalistes ont été conviés.
Bientôt % des salariés sur sites
Pour sa première intervention publique, le nouveau P.-D.G s’est voulu rassurant. « En pleine tempête, Naval Group s’est révélé être un navire solide. Si le cyclone est derrière nous, les vents soufflent encore très fort, mais l’équipage est performant, compétent. Naval Group a tout pour réussir dans le monde de demain. L’entreprise a son avenir entre ses mains. » Sans nier les difficultés auxquelles Naval Group a été confronté – « Au plus fort de la crise, à peine 1 800 personnes, sur les 15 000 que compte l’entreprise, étaient présentes sur nos différents sites » –, l’industriel n’a pas attendu le 11 mai, et le déconfinement, pour remonter en puissance.
« Grâce à notre présence à l’international, notamment en Asie, on a vu venir la crise. Ainsi, dès le 30 janvier, on a mis en place une cellule de crise. On a également renforcé la fonction ‘‘hygiène, sécurité, environnement’’ (HSE) au sein de l’entreprise qui a rapidement défini un référentiel sanitaire. En coordination avec nos partenaires sociaux avec qui nous avons beaucoup dialogué, on a imaginé une nouvelle organisation du travail, incluant un recours important au télétravail, qui nous a permis de remonter en puissance dès mi-avril. Dans notre secteur d’activité, en lien avec la souveraineté nationale, il était important d’assurer la continuité », explique Pierre-Éric Pommellet. Cette remontée en puissance s’est encore accélérée avec le déconfinement.
Et dès la semaine prochaine, 90 % des effectifs de Naval Group devraient à nouveau être au travail. Le P.-D.G reconnaît néanmoins que « les niveaux d’efficacité et de productivité ne sont pas encore à la hauteur de ce qu’ils étaient avant la crise ».
La confiance des clients
Pour appuyer ses déclarations, le chef d’entreprise donne quelques exemples de cette activité industrielle qui ne s’est jamais arrêtée. « La posture de dissuasion nucléaire a été maintenue à un très haut niveau (...) Concernant le programme des sous-marins australiens, début avril, au plus fort de la crise, nous avons posé un jalon extrêmement important et très attendu : celui du design intermédiaire (...) Débuter les essais à la mer du Suffren, premier des six nouveaux SNA français,
(1) a également été un sacré challenge en pleine crise (...) En matière d’ingénierie, sans révéler de données classifiées, des jalons ont là encore été franchis dans les études des sous-marins nucléaires lanceurs d’engins de troisième génération et du futur porte-avions. »
Si Naval Group a traversé la crise sanitaire sans trop de dégâts apparents, elle le doit à la confiance et au soutien de ses clients. Au premier rang desquels le ministère des Armées qui « a payé rubis sur l’ongle ».
Et Pierre-Éric Pommellet d’enfoncer le clou : « On n’a perdu aucun client, aucun contrat. Naval Group est une entreprise forte ».
Une force que l’entreprise tient nouveau sous-marin nucléaire d’attaque, ont pu aussi de ses multiples partenaires. Le P.-D.G le sait : « Sans eux, Naval Group n’est rien ». Avec le soutien de la direction générale de l’Armement (DGA), de la Banque publique d’investissement (BPI), et du Groupement des industries et activités navales, Naval Group n’a pas hésité à accorder des avances de trésorerie à certains de ses partenaires pour leur permettre de passer les moments difficiles.
Le résultat est là : « Aucun de nos fournisseurs n’a connu de défaillance », se félicite Pierre-Éric Pommellet.
Quel impact financier ?
Même s’il est encore trop tôt pour connaître l’impact financier de la crise, le responsable de Naval Group regarde l’avenir avec une certaine sérénité.
Il est vrai que l’entreprise a de nombreux prospects en cours. « Même si l’impossibilité de se déplacer constitue un handicap en la matière, les discussions se poursuivent. Notamment avec les Pays-Bas pour des sous-marins, la Grèce pour des frégates, ou encore la Roumanie pour des corvettes. On verra comment évolue les capacités budgétaires de ces pays, mais la situation politique internationale renforce les besoins de défense ». Et puisqu’il est question d’avenir, Pierre-Éric Pommellet évoque les ressources humaines. « Sur ces questions, on mène une réflexion sur le temps long. La transmission du savoir est l’ADN du groupe. Si on ne sait pas encore quel sera notre volume d’embauche cette année, en revanche on recrutera bien 400 alternants, comme nous l’avions annoncé ». 1. Sous-marin nucléaire d’attaque, destiné à des missions de protection, de renseignement et de projection.