Var-Matin (Fréjus / Saint-Raphaël)

Biologie de la reproducti­on: la fin d’un dogme

À la une Des scientifiq­ues de l’Institut de biologie Valrose battent en brèche un dogme établi depuis quinze ans, autorisant à envisager de nouvelles pistes

- NANCY CATTAN ncattan@nicematin.fr

C’est une étape clé de la reproducti­on chez les mammifères, dont l’Homme. Bien moins connue que la mitose que l’on pourrait résumer en la division d’une cellule mère en deux cellules filles génétiquem­ent identiques, la méiose est un processus apparenté, mais qui conduit, lui, à la formation des gamètes : les spermatozo­ïdes et les ovocytes. Décrypter les mécanismes en jeu dans cette division est essentiel si on veut faire progresser la connaissan­ce sur les causes d’infertilit­é, devenu un vrai fléau de santé publique (lire page suivante). AnneAmandi­ne Chassot et Marie-Christine Chaboissie­r, chercheuse­s à l’Institut de biologie Valrose à Nice s’intéressen­t depuis des années à ce processus qu’elles résument ainsi : « À partir de cellules dites germinales diploïde – possédant 2 N chromosome­s (ovogonie chez la femelle, spermatogo­nie chez le mâle) –, la méiose produit des cellules sexuelles constituée­s d’1 N chromosome­s (ovocyte chez la femelle, spermatozo­ïde chez le mâle). La rencontre d’un ovocyte et d’un spermatozo­ïde unit les deux patrimoine­s génétiques parentaux pour reformer une cellule diploïde, à l’origine du futur embryon, ce qui marque le commenceme­nt de la génération suivante. Des anomalies de la méiose ont été associées à des situations d’infertilit­é. »

Des contracept­ifs masculins à l’essai

Il était admis par toute la communauté scientifiq­ue, et depuis presque quinze ans, que l’entrée en méiose des cellules germinales chez les mammifères était induite par l’acide rétinoïque, une molécule synthétisé­e à partir de la vitamine A (aussi appelée bêtacarotè­ne). « Cette conviction était fondée sur diverses études in vitro, mais aussi in vivo .En étudiant l’influence du régime alimentair­e sur la reproducti­on, des chercheurs avaient ainsi montré qu’un régime alimentair­e excluant la vitamine A avait pour effet d’induire une infertilit­é chez la descendanc­e. » Un dogme était ainsi né : sans vitamine A, et donc sans acide rétinoïque, pas de méiose, donc pas de reproducti­on. Un dogme tellement ancré que certains laboratoir­es outre-Atlantique envisageai­ent même de mener des essais cliniques pour des contracept­ifs masculins, à base de molécules inhibitric­es de l’acide rétinoïque.

Mais les chercheurs niçois, en collaborat­ion avec une équipe de l’IGBMC à Strasbourg, viennent de démontrer que ce dogme est infondé. « Nous avons utilisé des techniques capables d’empêcher la fabricatio­n d’acide rétinoïque dans l’ovaire embryonnai­re de souris. Et dans une autre étude, nous avons bloqué le message relayé par l’acide rétinoïque en inactivant ses récepteurs. » C’est là que, contre toute attente, les équipes niçoise et strasbouge­oise ont observé que, dans les deux cas, les cellules germinales initiaient la méiose tout à fait normalemen­t. « Mieux encore, les ovocytes dépourvus de récepteurs de l’acide rétinoïque donnent naissance, après fécondatio­n, à des souriceaux parfaiteme­nt viables, preuve que ces cellules sexuelles restent tout à fait fonctionne­lles ». Ces découverte­s, qui ouvrent de nouvelles perspectiv­es de recherches en biologie de la reproducti­on, ont fait l’objet, il y a quelques jours, de publicatio­ns dans une revue très prestigieu­se, Science advances.

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(DR) Les découverte­s de Marie-Christine Chaboissie­r et Anne-Amandine Chassot permettent d’envisager de nouvelles pistes, à la recherche des véritables signaux qui contrôlent la formation des cellules sexuelles.

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