Var-Matin (Fréjus / Saint-Raphaël)

Une habitante de Vintimille remporte une toile de Picasso

Pour Noël, Claudia Borgogno, 58 ans, avait reçu de son fils un billet de loterie caritative. Elle qui n’avait jamais gagné au loto a tiré le gros lot, pour 100 euros : une oeuvre du maître espagnol

- Textes : ALICE ROUSSELOT arousselot@nicematin.fr Photos : Succession Picasso, capture d’écran «  Picasso pour  euros » et archives M. A.

Si on lui avait (pré)dit qu’elle remportera­it un jour une toile de Picasso à la loterie, Claudia Borgogno, 58 ans, aurait probableme­nt cru qu’on la faisait marcher. Ou qu’on lui racontait, alors, le scénario du dernier « feel good movie » sorti en salle. Et pourtant. Pourtant, c’est bien le nom de cette discrète habitante de Vintimille, à la frontière avec Menton, qui est apparu sur l’écran des locaux parisiens de la société de vente aux enchères Christie’s, le 20 mai, lors du tirage au sort du concours à visée caritative « 1 Picasso pour 100 euros ». Pour la deuxième édition de cette séduisante opération (1), 51 140 billets ont été vendus dans plus de 100 pays différents.

Peinture évaluée à plus d’un million de dollars

Chacun des participan­ts se prêtant à rêver qu’une huile de Pablo Picasso intitulée Nature morte (1921), serait peut-être bientôt sienne. Une petite oeuvre postcubist­e – évaluée à plus d’un million de dollars, même si le collection­neur qui l’a cédée juge qu’elle en vaut deux à trois fois plus – représenta­nt un journal et un verre d’absinthe sur une table en bois. Plus de 5 millions d’euros ont ainsi été récoltés au profit de l’organisati­on non gouverneme­ntale (ONG) Care – qui les utilisera pour construire et réhabilite­r des puits, des installati­ons sanitaires et des toilettes dans des villages et des écoles au Cameroun, à Madagascar et au Maroc.

Ce jour-là, c’est le billet n°1 260 346 qu’il fallait avoir entre les doigts pour que le songe devienne réalité. À condition de s’en souvenir… Car l’histoire de l’Italienne Claudia Borgogno, secrétaire dans un cabinet de comptable, est aussi belle qu’insolite. Et pour cause : le ticket d’or lui avait été offert à Noël par son fils, Lorenzo Naso, 25 ans, étudiant en économie à la Sorbonne à Paris. « J’ai vu la publicité, ça m’a paru une belle initiative et j’ai décidé d’acheter un billet. Au départ, j’en ai pris un pour moi, puis j’ai pensé que ça pourrait être un joli cadeau de Noël et j’en ai acheté un pour ma maman aussi », raconte ce dernier, petite moustache et regard franc, dans les colonnes du journal Riviera 24 – qui a récemment rencontré la famille.

Exposition dans sa ville ?

Cheveux mi-longs et lunettes rondes, décrite comme réservée, Claudia Borgogno réagit à son tour dans l’article italien. Expliquant avoir été contente du présent fait par son fils, même si elle n’a pas suivi le résultat du concours – ensuite. « Au lieu d’acheter les bêtises habituelle­s, Lorenzo m’avait fait un joli cadeau : je savais qu’au moins l’argent irait à une bonne cause. Je me fichais du résultat, j’étais déjà heureuse comme ça », commentet-elle sous la plume d’Alice Spagnolo.

Quand le tirage au sort – initialeme­nt prévu en janvier – a été reporté au mois de mai, en raison des mesures de confinemen­t, Claudia avait presque oublié qu’un ticket sommeillai­t à son domicile. Au point que les organisate­urs ont dû appeler Lorenzo pour lui annoncer l’impensable victoire. D’autant que jusqu’alors, l’Italienne n’avait jamais rien gagné à des jeux de hasard.

Que fera-t-elle de l’oeuvre ? La réflexion est en cours. « Je ne suis pas de ce milieu, alors je ne sais pas quoi faire. Je ne peux certaineme­nt pas l’accrocher dans le salon, confie-t-elle encore à Riviera 24. De mon point de vue, les oeuvres d’art devraient être exposées, pas enfermées. »

Une remarque qui n’a pas échappé au maire de Vintimille, Gaetano Scullino, qui aimerait que son administré­e lui prête l’oeuvre pour quelques mois, en vue d’organiser une exposition au forte dell’Annunziata. « La recette pourrait être reversée à des familles en difficulté », suggère l’élu.

La chance, enfin

De leur côté, les membres de la famille Borgogno-Naso gardent la tête sur les épaules. Au lendemain de sa victoire, Claudia retournait ainsi travailler. Fêtant sobrement la bonne nouvelle entre collègues avec du champagne et des viennoiser­ies.

Quant à Lorenzo, c’est sur son compte Facebook qu’il a le mieux résumé son sentiment profond. Celui d’un revers positif de fortune pour Claudia qui, dit-il, n’a jamais eu de chance dans son existence. « Cet événement marque la fin de la période sombre dans laquelle j’ai vu

‘‘

Je ne peux pas l’accrocher dans mon salon”

les morceaux de ma vie s’effondrer », glisse-t-il ainsi dans un long post. Suggérant – dans un élan de spirituali­té – qu’à travers lui c’est sa grand-mère, décédée, qui a fait « un grand cadeau à ma mère pour la remercier et la saluer pour toutes ses années de sacrifices pendant sa maladie, pour lui donner de la joie et trouver un désir de profiter de la vie. » Avant de conclure, humblement : « J’espère que nous le mériterons et que nous dépasseron­s mes ancêtres en générosité, en se tournant vers ceux qui en ont le plus besoin. »

1. En 2013, une première édition de « 1 Picasso pour 100 euros » avait permis de réunir 3,65 millions d’euros pour soutenir un village au Liban. Un jeune Américain avait alors remporté L’Homme au gibus.

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L’oeuvre Nature morte est datée et signée par le maître espagnol.
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