Var-Matin (Fréjus / Saint-Raphaël)
À Toulon, il est verbalisé pour avoir diffusé La Marseillaise
Soixante-huit euros. C‘est le montant de la contravention dont Alexis Pasqualini devra s’acquitter pour avoir prolongé l’hommage aux personnels soignants au-delà du confinement
Vingt heures pétantes. Littéralement. L’expression a en effet rarement été aussi bien employée que pendant le confinement. Chaque jour, on a applaudi, sifflé, tapé sur des casseroles, en soutien aux soignants, mais aussi comme un signe de rassemblement, de solidarité entre tous. S’y soustraire serait passé, au mieux, pour de l’ingratitude, au pire pour un affront à ceux qui oeuvraient dans les hôpitaux parfois surchargés. Ainsi, pendant des semaines, ce tapage a rythmé nos débuts de soirée. Au point que ceux qui faisaient preuve d’originalité, de créativité, passaient justement aux 20 heures sur les chaînes nationales.
Mais dès le 11 mai et le déconfinement, l’hommage a baissé en intensité, s’éteignant vite totalement. Sauf du côté de l’avenue Pierre-Loti à Toulon. Là, Alexis Pasqualini a continué d’afficher, à grand renfort de Marseillaise, son soutien, son rappel que « des gens sont encore en réanimation ». Pour ça, il a reçu, vendredi 29 mai, un avis de contravention.
h , le PV
« Émission de bruit portant atteinte à la tranquillité du voisinage ou à la santé de l’homme », peut-on lire sur le courrier, qui mentionne aussi l’heure et la date de l’infraction : 20 h 01, le 19 mai. Autant dire qu’il était attendu au tournant.
Alexis Pasqualini rembobine. « Je n’ai pas commencé dès le début du confinement. Peut-être une semaine après : je trouvais que c’était important de faire bouger le quartier en soutien aux soignants. Tous ces morts, ça nous a beaucoup marqués… Alors comme j’avais une sono et des enceintes, je me suis mis à diffuser La Marseillaise, suivie d’un morceau choisi en lien avec l’actualité. »
Alentours, les voisins de son immeuble, le Jules-Michelet, mais aussi d’autres riverains du quartier semblent ravis. Sauf un. « Dès le deuxième soir, il est venu me voir en me demandant quand je comptais arrêter. Je lui ai expliqué que je ne le faisais pas pour me faire plaisir, mais par solidarité. En réponse, il m’a menacé de m’envoyer la police. »
Celle-ci ne viendra finalement pas et les six minutes maximum d’« émission de bruit » se poursuivront pendant tout le confinement.
Des riverains en soutien
« La plus longue diffusion, minimise un voisin venu avec une vingtaine d’autres en soutien d’Alexis, c’est le soir où, en plus de La Marseillaise, il a mis trois morceaux de Christophe, pour honorer la mémoire du chanteur mort du covid. »« Tous les soirs, on attendait ça », lance une autre riveraine, tandis qu’un couple, résidant du Jules-Michelet, assure : « C’était formidable, on a beaucoup apprécié. »
Mais dès le 12 mai, le voisin revient à la charge et, le soir même, Alexis Pasqualini reçoit la visite de cinq policiers municipaux. Ils prennent son identité, lui donnent un avertissement. Le jeune quadra décide alors de continuer, se contentant d’émettre l’hymne national.
« C’est une honte, c’est lamentable »
« Le 19 mai au soir, un voisin m’a averti qu’une voiture de police stationnait au pied de l’immeuble, mais personne n’est venu », se souvient le Toulonnais. C’est seulement dix jours plus tard, ce vendredi 29 mai, qu’il découvre la contravention dans sa boîte aux lettres. « Avoir une amende pour avoir mis La Marseillaise, c’est une honte, c’est lamentable », réagit-il, avant de se justifier : « Nous sommes des gens discrets, qui nous entendons bien avec tout le monde ! » Alexis Pasqualini comprend bien que la loi n’est pas de son côté. Il estime cependant que dans ce cas, son application est « mal placée ». Alors, les 68 euros dont il doit s’acquitter auprès du trésor public, il ne compte pas les verser et prévoit de contester la contravention. Dans le même temps, il a mis fin, dimanche, à son hommage de 20 heures, lançant une dernière fois les mots de Rouget de Lisle. Suivis de ceux de Soprano : À Nos héros du quotidien. respecter la loi. Celle-ci dit ainsi qu’« aucun bruit particulier ne doit, par sa durée, sa répétition ou son intensité, porter atteinte à la tranquillité du voisinage ou à la santé de l’homme, dans un lieu public ou privé » (). Ceci, y compris de jour. Il existe en effet une distinction entre le tapage diurne (de heures à heures) et le tapage nocturne. Le premier est punissable si les bruits sont répétés, intensifs ou durent dans le temps ; le second peut être verbalisé sans ces conditions. Le tapage diurne peut-être puni d’amende forfaitaire immédiate allant de à euros (selon le délai du règlement) ().
1. Article R. 1334-31 du Code de la santé publique.
2.Articles R. 1337-7 et R. 1337-8 du Code de la santé publique.