Var-Matin (Fréjus / Saint-Raphaël)

La riche histoire de la chapelle Notre-Dame de Spéluque

Érigée au Xe siècle, la chapelle a résisté au temps et recèle une histoire riche et mouvementé­e

- ◗ CARINE BEKKACHE cbekkache@nicematin.fr

Tous les dimanches, (re)découvrez un lieu historique de la Dracénie. Aujourd’hui, focus sur la chapelle NotreDame de Spéluque, à Ampus, qui a su traverser les affres du temps

Joyau dans le coeur des Ampusiens, la chapelle Notre-Dame de Spéluque l’est aussi dans celui de soeur Marie du Saint-Esprit. Gardienne des lieux, soeur Marie a lié son histoire à celle de ces pierres millénaire­s il y a maintenant plus de trente ans. Et c’est avec passion qu’elle retrace leur origine…

« Vous voyez cette petite porte en bois qui se trouve sur notre gauche, juste avant l’autel ?, interroget-elle. Eh bien c’est ici, dans ce qui sert aujourd’hui de sacristie, que se trouvait la chapelle originelle Notre-Dame de Spéluque. »

Érigé au Xe siècle, dans le style roman, l’édifice recèle encore une petite statue de la Vierge Marie faite de bois polychrome, en date de la même époque. Et cette dernière est tout sauf anodine.

« Pour comprendre, il faut remonter au Xe siècle, au temps où les Sarrasins, qui occupaient un camp à La Garde-Freinet, menaient des incursions dans la plaine de Tourtour, poursuit soeur Marie. Les autochtone­s se sont alors entendus pour implorer cette statue de la Vierge, dont on ignore encore la provenance. Ils ont fait la promesse, en cas de victoire décisive, de construire une petite chapelle en signe de reconnaiss­ance. » Ainsi est née NotreDame de Spéluque, nommée de la sorte car bâtie sur un ancien emplacemen­t de culte païen (“spissum locum”).

« Sauf qu’une fois construite, ici au milieu de nulle part, ils n’ont pas su quoi en faire et l’ont cédée aux moines de Lérins », sourit soeur Marie. La chapelle devient alors un prieuré de l’abbaye de Lérins.

« Les moines y ont construit un monastère, dont il ne reste que les vestiges, et l’actuelle chapelle, consacrée en 1090 par l’évêque de Fréjus, Bérenger III. » Tout un village s’était développé en contrebas du domaine, sous la protection des moines, avant que le chevalier félon, nommé Tuan, ne détruise le village, le monastère, et n’abîme sérieuseme­nt la chapelle. « Pour la petite anecdote, reprend soeur Marie, les moines ont porté plainte à Rome et le chevalier a été contraint par le pape de réparer ses dommages, sous peine de devenir pénitent. La chapelle a donc été réparée, et les moines l’ont à nouveau investie. » Depuis, le monument a résisté au temps… et aux périodes troubles.

« Et Dieu sait qu’elles ont été nombreuses ! », glisse soeur Marie.

Vendue aux enchères à la Révolution, la chapelle a été transformé­e en bâtiment agricole durant de longues années avant de revenir à sa destinatio­n originelle.

« Sous le Concordat napoléonie­n, le culte étant à nouveau autorisé, une personne pieuse d’Ampus a racheté l’édifice et projetait de le vendre à une associatio­n d’oeuvres caritative­s ampusienne. Ce qui ne s’est jamais fait car les coûts de sa rénovation étaient trop importants. »

C’est in fine par Jules Marquis de Lyle-Taulane – descendant d’un des seigneurs de Ville haute, quartier d’Ampus – que la chapelle fut sauvée de la désuétude.

« Rendue au culte, Notre-Dame de Spéluque s’est ensuite transmise par héritage à la fille de Jules, Fanny, puis au fils de cette dernière, Henri de Jerphanion, qui est inhumé derrière la chapelle. Des mariages et des baptêmes y étaient célébrés, et des génération­s entières sont restées attachées à cet endroit. » Et si le domaine environnan­t dit « du Moulin-Vieux » – qu’Henri de Jerphanion a vendu avant sa mort en 1964 – a connu de multiples propriétai­res, la chapelle, elle, est restée entre les mains de la famille. Transmise à la fille d’Henri, Louise, que soeur Marie a bien connue.

« Louise voulait absolument sauver cette chapelle. Mais située dans un trou perdu, celle-ci ne servait à rien et personne n’en voulait. Vandalisée, elle est devenue un repaire de chasseurs. »

Et c’est à ce moment-là que soeur Marie a fait son apparition. Appartenan­t aux Dominicain­es de Paray-le-Monial, elle découvre ce lieu par un heureux concours de circonstan­ces et tombe immédiatem­ent sous le charme.

« Le courant est tout de suite passé avec sa propriétai­re, Louise, et c’est ainsi que je me suis retrouvée à vivre dans la petite maison attenante », confie-t-elle. Une relation de confiance qui se solidifier­a au gré des événements... « Au début des années 90, alors que le domaine appartient à une société internatio­nale, un projet d’unité touristiqu­e nouvelle a vu le jour. » Sentant la chapelle menacée, soeur Marie a entrepris des démarches et obtenu son classement au titre des monuments historique­s. Le projet sera définitive­ment annulé, quelques années plus tard, par le Conseil d’État... « Autant dire que j’étais la bête noire de la mairie à l’époque, sourit soeur Marie. Mais qu’importe, la chapelle est toujours debout ! Elle a été cédée par les héritiers de Louise à l’associatio­n diocésaine de Fréjus-Toulon, qui nous a fait un bail emphytéoti­que de 99 ans », confie-t-elle. Depuis, soeur Marie, fondatrice de l’associatio­n des Amis de Notre-Dame de Spéluque, soigne ce monument comme elle l’a toujours fait. Comme la prunelle de ses yeux...

‘‘ Située dans un trou perdu, personne n’en voulait”

Bien que sur un terrain privé, la chapelle attire l’oeil des promeneurs et reste ouverte au public. Elle se situe au 2001 Turquet. Contacter de préférence soeur Marie en amont au 06.28.92.91.16.

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(Photos Philippe Arnassan) Gardée par soeur Marie du Saint-Esprit, la chapelle permet encore la célébratio­n des offices religieux.
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La chapelle originelle se trouvait derrière cette petite porte en bois (à gauche), qui dissimule aujourd’hui la sacristie. Une plaque en l’honneur de Jules Marquis de Lyle-Taulane a été apposée par son petit-fils, Henri, sur les murs de la chapelle actuelle.
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