Var-Matin (Fréjus / Saint-Raphaël)

Pierre Perret « C’est trop grave pour en rajouter ! »

À 86 ans, le chanteur garde bon pied bon oeil et, surtout, l’envie d’écrire et de chanter intacte. Il était de passage sur la Côte d’Azur, à Contes, pour son unique concert de l’été.

- PROPOS RECUEILLIS PAR AMÉLIE MAURETTE amaurette@nicematin.fr

C’est une première pour moi, chanter devant un public masqué, public qui, normalemen­t, reprend toutes mes paroles en coeur... Bon. » Il a l’air un peu sonné par l’actualité, le geste est ralenti par les années, mais Pierre Perret n’a rien perdu de son plaisir à rencontrer le public. Et Covid ou pas Covid, il est sur la route. À laisser traîner sur ses contempora­ins son oeil moqueur et son sourire tendre. À entonner les petites chansons qui ont fait de lui un grand monsieur. Descendu de Nangis, son village de Seine-et-Marne, avec sa femme Rebecca, qui gère son agenda, pour son unique concert de l’été à Contes, dans l’arrièrepay­s niçois, le chanteur garde le rythme. Un récent album, Humour Liberté, un recueil de pensées qui vient de sortir Aphorismes & Blues, un livre dans les cartons...

Vous venez de fêter vos  ans, on est en pleine crise sanitaire et vous, vous êtes là ?

Ben oui, la vie continue. Sinon, c’est la fin des haricots. Pour les deux concerts que je dois donner à la salle Pleyel [à Paris les  et  octobre, ndlr] en octobre, malheureus­ement, on ne sait pas à quelle sauce on va être mangés.

De quel oeil regardez-vous ça ?

Je trouve ça nauséabond... Vraiment, de toute ma longue vie, je n’ai jamais connu quelque chose qui ressemble à ça. Pourtant j’en ai vu beaucoup, beaucoup de périodes inquiétant­es... Vous avez probableme­nt entendu parler de l’Occupation ? Ça n’était quand même pas rien, c’était une angoisse, mais finalement, ça n’était pas une angoisse au quotidien comme celle que l’on vit aujourd’hui.

Vous avez sorti une chanson surprise pendant le confinemen­t,

Les Confinis... Oui, il a fallu que je m’amuse !

Parce qu’il vaut mieux en rire ?

Oui, bien sûr. C’est trop grave, trop dramatique, pour en rajouter. Et puis je crois que ma carrière a été faite sous le sceau de la dérision avant tout. De l’humour, j’espère. J’ai toujours pensé que c’était préférable de voir les choses comme ça plutôt qu’en geignant. Sinon la vie est trop monotone.

Dans cette chanson, vous tapez sur le gouverneme­nt, sur les médecins de plateaux télé, n’estce pas un peu facile dans un moment pareil ?

Les gens qui gouvernent devraient avoir plus de recul que les gens qui les écoutent. Quand on a des fonctions qui permettent d’être écouté, mieux vaut tourner sa langue sept fois dans la bouche avant de sortir une connerie. Et il y en a beaucoup qui ne la tournent pas du tout ! Je le sais bien, la critique est facile. Mais si elle est juste et justifiée, et hélas ils ont tendu tant de bâtons, elle s’impose. Ils n’ont cessé de dire tout et son contraire, à commencer par la pauvre Sibeth de service, qui bien sûr disait ce qu’on lui disait de dire, mais, enfin... Je ne pense pas qu’il faut rester impavide devant tant de bêtise. Il faut savoir lutter contre la médiocrité, s’en apercevoir tout au moins. Continuer à dénoncer, mettre le doigt là où ça fait mal.

C’est ce qui vous a toujours inspiré ?

Ça a toujours été un moteur, oui. Un réflexe presque inné.

Vous avez sorti un disque en , venez de publier un recueil... Quels sujets vous donnent encore envie d’écrire ?

Le spectacle quotidien de ce qui m’entoure. Ça n’est pas très difficile .... Le plus dur c’est de l’exprimer. Et puis il y a des tas de choses qui m’énervent aujourd’hui, avec l’écologie par exemple, pourtant nécessaire. Il y a une bande de lascars, de clampins innommable­s làdedans... Je travaille sur ce sujet, entre autres, pour des chansons.

Pourquoi l’écologie ? La cause est noble, les défenseurs moins ?

Oh la, je ne veux pas rentrer làdedans... Je ne vais pas vous faire ma chanson ! On sait qu’il y a des carcans aberrants. Comme toujours, ce sont les extrémisme­s dont il faut se méfier. J’ai appris ça il y a très longtemps et je continue.

Vous êtes en train d’écrire un livre sur votre grand-mère...

Oui, j’y mets le point final ! Ça fait douze fois que je le relis et douze fois que je corrige, ça n’en finit jamais. C’était une femme courageuse, avec un parcours atypique qui remonte à la fin de l’avant-dernier siècle... C’était une personne de l’assistance, trouvée dans un panier, une femme frappée, la vie de Causette... J’ai réuni des témoignage­s, retracé son cheminemen­t.

Vous pencher sur son époque vous a-t-il fait voir aujourd’hui

d’un oeil nouveau ?

Oh, il n’y a pas grand-chose de différent sous le soleil, surtout dans le comporteme­nt des hommes. On en trouve toujours d’aussi bêtes et aussi brutaux. Des violents et des imbéciles, il y en a dans toutes les époques. Peu de choses ont changé, quand on voit le nombre de femmes qui meurent encore sous les coups de leur conjoint... Avant, personne n’en parlait, voilà. Ma grand-mère a vécu les mêmes drames, a été d’un courage formidable et n’a jamais voulu se laisser faire, c’est cette peinture-là que j’ai voulu faire.

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Il faut savoir lutter contre la médiocrité, s’en apercevoir au moins”

Il sortira quand ?

Je ne sais pas. Pour moi c’est la création qui compte, quand j’écris une chanson, je ne sais pas si elle sortira, si je vendrai des disques. Je ne m’en suis jamais beaucoup occupé, alors à  ans, je m’en fous encore plus.

Que vous ont appris ces  ans ?

‘‘

Des violents et des imbéciles, ilyena dans toutes les époques”

Je crois que je n’ai jamais changé. Malheureus­ement, j’aurais pu m’améliorer... J’ai toujours été un garçon indépendan­t. Quand on est un créateur, qu’on n’a de comptes à rendre qu’à soi, que le public décide, eh bien, on ne peut jamais accuser les autres. Voilà : on ne peut s’en prendre qu’à soi si ça ne va pas.

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